Pendant ce temps, Johanna, qui plus tôt évanouie ne s’est pas relevée, dort encore sur la vieille moquette et les quelques badauds, pour passer, l’enjambent sans trop réfléchir. Capsoul, maintenant, galope vers Basile, qui, dans sa voiture, n’en revient toujours pas : le moteur semble s’être absenté et ne pas vouloir revenir. « Où es-tu ? Où es-tu ? » crie Basile dont la couleur du visage commence à se parer d’orange, puis de rouge, devant le bolide qui fonce vers lui. Mais c’est sans compter l’habitude de Capsoul qui conduit irrémédiablement et sans qu’il le sache encore John à l’échec. En France, on se combat. Aux Etats Unis, on saute-mouton, on vole au dessus des troncs d’arbres. C’est donc dans une logique toute puissante que Capsoul, arrivée au niveau de la voiture immobile s’élance et, dans une battue des antérieurs, s’envole au dessus de ce tronc nouvelle catégorie, dans un raffut tout émoustillé puisque de l’autre coté, ce sont des dizaines de personnes qui s’enfuient pour n’être pas écrasées par l’atterrissage. De l’autre coté de la ville, Johanna, qui plus tôt évanouie ne s’est pas relevée, dort encore sur la vieille moquette et les quelques badauds, pour passer, l’enjambent sans trop réfléchir. Un moniteur d’équitation vient à passer par là. Le dispositif lui plait car bien sûr, les barres des obstacles coutent cher. Alors les remplacer par des élèves, débutants qui plus est…
- Un débutant ! dit John à Basile, tu n’es qu’un débutant !
La foule, dont la cause est toute entière acquise au beau jeune homme, hue le cow-boy si fort que Caspoul s’effraie et, sans crier gare, blesse de ses postérieurs deux ou trois passants qui s’enfuient affolés.
- S’il est vrai que je n’ai pas avancé, dit Basile, au moins, je n’ai pas été lâche.
- Lâche ? hurle John.
- Lâche ! reprend le public transformé en chœur pour l’occasion.
Bien sûr, un homme sort du lot : il s’agit du coryphée qui s’exprime en ces termes et en chanson…
- John, ta jument a passé à propos la voiture de Basile mais sache qu’ainsi elle a évité le danger. Dès lors, tu as perdu ce combat fraternel et, tel Œdipe, l’errance t’attend, guidée par ta fille.
- Lâche psalmodie alors le chœur harmonieux.
- Mais, continue le coryphée, ton frère Basile n’a point avancé d’un pas et il est sûr que dès lors, ni l’un ni l’autre n’a gagné ou perdu. Je suis un Tirésias à l’aube de ses visions et devant moi si Néron, Antigone ou Anouilh s’avancent, je leur dirai le futur proche et accessible de nos raisons errantes !
- Tope là, dit Basile en s’approchant de John, Capsoul a un très bon coup de saut et je suis honoré de t’avoir à mes cotés pour de grandes aventures.
- Tope-là, dit John, tu seras comme un écuyer pour moi.
- Oh ! reprend le chœur, choqué.
- Mes frères, s’exclame alors le coryphée, John ici présent est victime de trop puissantes décennies quand Basile, dans la fleur de l’âge, a encore toute sa vie devant lui. Il est donc raisonnable que ce vieux mendiant ait un ascendant quelconque sur la fougueuse jeunesse qui s’élance vers Athènes et Rome et Constantinople !
- Hum, merci, dit John, partagé entre la joie d’être reconnu et celle de l’être par défaut de jeunesse. Johanna, s’écrie-t-il, le spectacle est fini, nous partons.
- Gloups, dit Basile.
- Gloups ? réplique John.
- Je ne la vois, dit Basile en fixant John dans l’attente de sa réaction.
- C’est que, Basile, tu as raison. Ton sens de l’observation est digne, tu montes dans mon estime, d’autant plus si tu sais où elle est.
- Elle est en ville John.
- Bravo, mon ami ! répond alors celui-ci tout en lui administrant une claque à l’épaule. En route, elle n’a pas dû s’aventurer très loin !
Et déjà, John et Basile, comme s’ils étaient amis depuis vingt ans, s’en vont cote à cote, laissant là leurs montures et discutant de sujets communs tels que les jeans, la vitesse, et la montre de Basile pour laquelle John voue une admiration sans borne depuis à peine quelques secondes car c’est avec cette montre que Johanna sera retrouvée, Basile l’a promis. Plus d’inquiétudes alors, mais un bonheur sans bornes. D’ailleurs, John s’émerveille devant ce que ses yeux observent et c’est au détour d’un marché qu’il demande, transcendé, à s’arrêter pour faire ses courses.
- Tu comprends, Basile, il va falloir se sustenter en grosses quantités pour réussir notre mission.
Et, dans le désordre, John achète vingt patates douces, vingt choux rouges, une jolie pièce de bœuf, trois cent cinquante haricots frais, un rôti qui l’est moins, deux vins vains et un concombre masqué.
- Masqué ? demande Basile étonné.
- Tu ne vois pas, il a une peau toute verte, bien homogène : c’est une couverture, il est déguisé.
Et Basile apprend alors que l’on trouve les meilleurs concombres à Venise, et qu’en matière de patates douces il s’agit de les bien cuire pour qu’elles ne soient pas dures.
- Ah, ça ! dit John bienheureux, j’aime faire du shopping ! Quelle belle journée !
Mais déjà (et il est temps), Johanna, encore endormie, est ramassée, on l’inspecte, on la regarde, on ne sait trop, pendant quelques instants, où la mettre, ni dans quel rayon la ranger, puis enfin, le stand des objets trouvés s’étant bien trop vidé depuis le matin, on l’y dépose entre une écharpe et un vieux téléphone.
Trois heures et demi plus tard, John et Basile arrivent guillerets dans le grand magasin. Quelques péripéties, des cris, pour enfin accéder à ces fameux objets trouvés (abandonnés serait peut-être un meilleur terme). Dans la pièce, un jeune homme, étudiant sûrement car il porte des lunettes et, malingre, bégaie…
- Toi, mon ami, ma fille a été trouvée là, dans ton magasin, et il parait qu’elle est ici mais je ne peux la distinguer parmi tout ce fouillis. Tu ne ranges donc rien ?
Pendant ce temps, Basile, très intéressé, lorgne la multitude d’objets.
- Je ran-range mes en-f-f-fants, répond cet homme qui, en réalité, a quarante cinq ans.
- Où est la fille, enflure ! s’exclame Basile tout en fixant, sur une table, un bon gros morceau de ferraille.
- On l’a emportée. Dix-dix-dix minutes, peut-être quinze.
Et John, dont la peine s’est déjà dissoute pour se transformer en courage, quitte furieux la salle en quête de sa fille, suivi de Basile qui, le sourire aux lèvres, emporte avec lui le moteur prodigue de sa voiture.
Histoire: JB et la larme maudite, chapitre 20
Par Ariane le mardi, septembre 18 2007, 11:21 - J.B et la larme maudite
Les naseaux de la jument lancent une brume brûlante vers l’ennemie qui, pétaradante, envoie en quantité bien plus impressionnante une fumée âcre et désagréable. Les poumons de John s’insurgent, tandis que Capsoul, un instant arrêtée par cette odeur affreuse, reprend tout son souffle dans le brouillard ambiant, comme droguée par ces mélanges aériens. L’antérieur droit levé, elle broie tout ensemble le diazote et le dioxygène, sans oublier le CO2 qu’elle exècre et quelques gaz rares dont elle a pris l’habitude tout en s’avançant vers la voiture arrêtée. Basile, à l’intérieur, tourne la clé pour démarrer, au moment même où John, d’un coup de rêne, incite Capsoul à accélérer.
Commentaires
Chabadadaaaaaaa!
En fait Ariane, je voulais écrire "chabadabada" mais je suis plantée... :/
On peut pas modifier les commentaires donc...
CHABADABADA!
Je pensais, Solène, que tu appelais Capsoul (le dada de l'histoire) mais qui est Daba?
Daba est l'image du "Dada" telle que l'herméneutique platonicienne la définissait.
Mais je pense également que l'herméneutique augustinienne y est pour beaucoup, puisque, mise en abîme avec l'image même que je peux me faire du cheval, imparfaite, contingente d'une réalité qui me dépasse, une réalité transcendante, et bien nous arrivons, en passant par le de trinitate si cher à nos coeurs à un paradigme syntaxique métadiscursif qui tend à supplanter la pensée même de la révolution surréaliste, dont un des courants, le dadaïsme rend déjà pleinement hommage à cet animal exceptionnel, que dis-je ce "belus chevaus" comme l'aurait dit Lancelot lui même en mettant en prime position ces deux syllabiques occurences du mot "da", constitutifves du mot "dada".
Tout ça est bien trop fort pour moi !... Parfois j'ai l'impression d'être inculte ou illettré en te lisant mon Ariane... psalmodie... coryphée...
Tu aimes les mots, moi j'aime ton histoire
Ah, la tragédie grecque ! Bien joué, c'est magnifiquement fait ! Exercice de style qui donne une dimention autre à cette aventure, le temps d'un chapitre ^^
Et quel suspens mes enfants ! Je ne tiens plus là !!!
(Maintenant qu'on sait avec certitude qui est le conconcombre masqué, un petit indice dans le procain chapitre sur le détective
? )
@Alexis: tu devrai dire que tu comprend , ca le fait plus!
@StrAbz : merci de la remarque
Je dis non, les concombres masqués ne se trouvent pas en supermarchés. Et les patates douces, tu n'as pas précisé, Ariane, ma petite Ariane blonde et potelée, ma caryatide aux yeux profonds (d'une profondeur profonde), ma vénus anadyomène, si elles étaient oranges ou jaunes. Cela change tout, en vérité ! Et même le temps de cuisson.
Citons pour faire cesser tout débat: "c’est au détour d’un marché qu’il demande, transcendé, à s’arrêter pour faire ses courses." Bien évidemment, la patate douce orange ne se trouve pas en supermarché: j'en conviens, comme le concombre masqué qui, je dois l'avouer, a eu pour moi des mots tout simplement exotiquement antiques dans leur qualité incomparable d'être qui, s'il en est, repose sur une constance toute rigoureuse: caryatide, vénus anadyomène. Tout comme le daba s'explique en termes d'imageries augustiniennes compte tenu des opinions herméneutiques tranchées qui font débat depuis déjà plusieurs années et qui, je pense sont peut-être à actualiser, la description peut-être assez lointaine de moi-même en blonde potelée n'est que plus juste car il est de rigueur de contraindre l'opposition à devenir sienne pour n'être plus un mais plusieurs en une même élocution...
Pardonnez moi car j'ai péché par excès d'amour des mots plus que d'amour du sens! Pourtant je pense qu'il est sain pour les seins de nos soeurs d'exercer quelquefois un tel talent sans sens, insensé et stérile pour éloigner de nous une trop grande facilité à trouver en chaque phrase une signification si pure qu'elle ne veut plus rien dire.
Putain! Que j'aime les mots!
Pardonne moi miss ariane, mais comment peux-tu dire que des opinions augustiniennes sont à actualiser? L'imagerie augustinienne, qui justement reprend ce dilemme entre libre arbitre, liberté et responsabilité de l'individu, ne peut être actualisé au sens strict du mot, puisqu'il s'actualise de lui-même. C'est une pensée en mouvement, dont la prophète nous a si souvent montré, démontré et remontré le sens.
Certes nous aboutissons à une aporie en ce que le texte augustinien lui-même n'aurait besoin d'aucun herméneute pour être renouvellé. Perd-il seulement de son sens? Je ne sais mais peut-être pourras-tu m'en dire plus Ariane. Car comme tu le sais si bien, la modernité c'est le transitoire, le fugitif, le contingent, la moitié de l'art donc l'autre moitié est l'éternel et l'immuable. L'exégèse augustinienne arriverait donc à ce paradoxal de renouvellement autant que de fixation dans un espace temps infini. Si l'on reprend ce présupposé et qu'on l'applique au terme de "dada" ou encore de "daba", dada comme signification pure, simple et entière. Daba comme métamorphose du dire, qui tend vers une abstraction en ce qu'elle ne devient intelligible que par ceux qui ont été rompus à cette exercice.
à l'intention de monsieur le concombre masqué : Pourquoi donc attribuez-vous à cette jolie demoiselle Ariane, l'expression de Vénus anadyomène.
Je suis au regret de vous dire que, dans une perspective baudelairienne, cela ne serait retranscrire l'être étant ou en devenir de mademoiselle Ariane. Ainsi votre qualificatif serait de l'étant qui n'est pas et qui ne saurait être, puisque la personne en question ne le sera jamais. Saurez vous nous dire si ma supposition est ou n'est pas, afin que je puisse savoir avec certitude si l'idée est de l'étant qui a été ou bien de l'être qui ne saurait avoir été ce que je suppose qu'il aurait pu vouloir être?
Mais, douce Solène, l'opinion augustinienne est, nous le savons, une construction de l'être c'est à dire du vivant pensant dans une réflexivité peut-être refoulée mais non dénuée de sens et de logique. Or, s'il en est ainsi pour l'opinion augustinienne, dès lors, celle-ci n'est dotée ni de respiration ni d'actualisation individuelle car la beauté, justement, d'une telle pensée à l'ampleur si déréalisante constitue en une imbrication être / augustinisme dont le mélange permettrait alors une actualisation sans fin puisqu'en cette philosophie reposent tant de préceptes objecivement ouverts à une réflexion de syntaxe et de sens non biaisée. Ainsi, il serait tout aussi aisé de dire qu'en l'augustinisme repose un travail sur la chair et l'esprit qui, semblable à l'acte de fornication, peut créer une existence nouvelle qui, dans un futur envisageable grandira et permettre à nous autres philosophes émérites de percer le bonheur dans l'invention d'une autre forme de pensée. Ainsi d'Aporie il n'existe plus rien car cette pauvre jeune fille peut se rhabiller en versant de belles larmes! L'augustinisme ne saurait tomber dans un tel piège si grossier et, ma chère solène, réjouissons-nous, car dès lors je sais qu'il est aisé de dire qu'en nous l'herméneutique et la pensée toutes ensemble délivrent ces résidus de recherche chers à nos âmes pour ne créer qu'un mélange d'extase que je nommerai ainsi et toujours: le corrélat de subjectivité s'il peut être pensé dans l'axe paradigmatique du monde.
l'histoire est presque plus longue dans les commentaires maintenant ! :D
Oh, chère Ariane, je ne saurais que trop te rappeler ces si beaux mots que tu m'avais un jour confiés "l'endophorie s'amuse, qu'elle est métadiscursive dans son aoristicité, c'était mon corrélat d'énonciation". Or, face à ce discours embrayé (oui, non, te demandais-tu) l'axe paradigmatique du monde devient alors une causalité perspicace et tellement riche de significations, de signifiants et de signifiés, que notre esprit s'égare jusqu'à tomber dans la vulgate, contre laquelle nous déchainons nos opinions linguistiques.
Mais vulgate il n'y a point dans l'augustinisme. Saint Augustin (oh oui saint Augustin!!! ) a en effet produit cette oeuvre livresque auto-productive elle-même. N'est-ce pas là le signe de sa divinité chère Ariane? Ainsi, nous a-t-on mis sur le chemin, nous nous mettons à suivre la trace! (oh, aimons la trace!). Et voilà donc, sur ce blog, une façon de transmettre ce que l'augustinisme a pu nous léguer. Un discours qui se régénère et qui devient, par l'action d'une temporalité extérieure au récit lui même (oxymore présent/Passé). Un texte en devenir, qui sera ce qu'il devra être, révélé par les moyens modernes. Ariane, te voici disciple augustinienne! Sois fière et combat cette modernité éternelle, immuable mais à la fois contingente, transitive! Inscrit dans une modernité qui n'appartiendra qu'à toi, pour que de ton corrélat d'énonciation ressorte toute l'aoristicité d'une pensée qui se révèle à toi, aux autres, mais surtout à elle-même, dans cette même perspective d'imbrication être/augustinisme, afin que sois féconde ton imagination inaltérable et surtout, le syntagme idoine!!!!!
Tel Dr Jekyll je me suis réveillée: Hyde et ses longs commentaires ont disparu et en les relisant je n'ai plus rien compris!
Et moi j'me suis plantée aparamment, c'est pas Baudelaire mais Rimbaud!
Putain! Fais chier!
Ce poème est néamnoins à conseiller... bien que traitant tout particulièrement de pourriture dans la baignoire...