Pas très loin et à la recherche de la mallette, Anton Chigurh, un étrange tueur psychopathe aux manières originales et inhumaines : il tue les hommes comme on tue du bétail dans les grands abattoirs. Pas banal… Et quand il sort une pièce de monnaie devant les personnages les plus innocents pour les laisser décider de leur vie, ou de leur mort, le suspense monte, le spectateur, happé par l’absence d’expression du tueur (Javier Bardem) et sa coupe hallucinante s’interroge : « et moi, j’aurai dit quoi ? Pile ? Face ? ». Entre film d’action et thriller, nous voilà rentrés dans un monde en apparence bien connu du spectateur. Hé bien non. Il y a un tournant, un plan où plus rien ne sera comme avant : c’est le shérif Bell à deux pas du motel, mais trop tard. C’est ce petit laps de temps manquant, cruel mais souvent utilisé, qui déglingue les machines du discours linéaire. Plus rien n’est sûr et tout disparait. Maintenant, si vous voulez voir le film, arrêtez votre lecture ici.



De l’argent volé, un motel… Psychose… Le film des frères Cohen va plus loin que l’original : Hitchcock montrait le meurtre de son héroïne à la moitié du film. No country for old men ne le montre pas et choisit son moment une quinzaine de minutes avant la fin. Spectateur frustré, assommé : comment… On n’a pas vu ce dernier affrontement… Et la mallette ? Et la femme, a-t-elle dit pile, ou face, est-ce qu’Anton lui a laissée la vie sauve ? Et cet accident de voiture… Ce retour brutal à une réalité où rien n’est résolu sonne, sans que le spectateur puisse vraiment s’y attendre, la fin du film. Terminer sur un shérif Bell qui s’est mis à la retraite à la suite de l’affaire, et sur ses rêves, c’est reconstruire, lentement, une autre perception du film, un retour en arrière. Et si c’était lui le héros ? Les mots avant le flingue. La vie continue, calme, isolée, et comme pour les rêves de Bell, la fin du film reste en suspens. On nous a raconté, seulement. Pas d’interprétation. Spectateur au travail. Et s’il s’agissait du rapport au père ? Retour en arrière, premiers plans du Texas, voix off, qu’auraient fait les anciens à l’époque d’aujourd’hui ? Qu’aurait fait le père devant Anton Chigurh ?