Melancholia est un film en trois parties. Trois parties féminines.
Il y a d'abord la scène d'ouverture qui présente la fin du monde, une fin du monde fantasmée, par Justine : elle y figure en robe de mariée, son cheval Abraham finit lui aussi par abdiquer en s'effondrant au ralenti.
La première partie raconte l'histoire de Justine : sa cérémonie de mariage à laquelle elle n'arrive pas à être heureuse et sa langueur, son indifférence - sa mélancolie.
La seconde tourne autour du personnage de Claire, la soeur de Justine, mariée et mère d'un enfant, qui est effrayée à l'idée du passage de la planète Melancholia si près de la terre. Et en effet, Melancholia passe si près que la terre explose.
Lars Von Trier structure donc son film de manière circulaire, comme la terre et Melancholia : il commence par la fin du monde et termine par la fin du monde sur la même musique.
Intéressons-nous maintenant au nom donné à la planète (et au film) : Melancholia. C'est un nom qui n'est pas donné au hasard car Justine souffre de mélancolie.
Son étymologie est la bile noire. La mélancolie est un état dépressif, mais aussi un état qui rapproche l'homme du génie.
Lars Von Trier construit le personnage de Justine en tenant compte de ces deux caractéristiques. En effet, Justine est arrivée à un dégoût de la vie : les plats qu'elle adorait ont maintenant un goût de cendre, elle n'a parfois plus la force de marcher et passe son temps à dormir. Et en même temps, Justine fait preuve d'un étrange don : elle sait les choses. Elle sait quel est le numéro gagnant du jeu concours de son mariage, elle sait aussi que Melancholia va heurter la terre.
Justine est la figure humaine de la planète Melancholia sur terre, une incarnation de la planète sur terre. Et Lars Von Trier symbolise son mal sous la forme d'une planète : imposante, immense, il semble que Justine ne puisse s'en extirper et que la collision soit inévitable.
Melancholia permet d'aller assez loin dans la science fiction mis à part la thématique de fin du monde. Après tout, pourquoi Justine ne serait pas possédée par la planète Melancholia ? Son rayonnement lui fait du bien puisque Claire la retrouve nue, en pleine nuit, dans le jardin, sous les rayons de l'étrange planète.
A cet instant, Claire est terrestre, en plein contraste avec sa soeur. Comme les chevaux de l'écurie, elle a peur.
Mais ce qui est plus intéressant encore, c'est que Lars Von Trier construit les rapports d'autres personnages en opposition, et en métaphore avec la rencontre entre Melancholia et la terre, qui sera dévastatrice.
La partie consacrée au mariage est comme la métaphore de l'impossible entente entre la terre et Melancholia : Mickael, qui a acheté un terrain avec des pommiers et rêve d'une balançoire pour ses futurs enfants est voué à voir son mariage exploser car Justine, sous l'emprise de la mélancolie est devenue indifférente à tout. Elle flotte, elle est ailleurs.
Melancholia, est un film sur l'apocalypse, au sens propre et au figuré puisqu'il raconte la fin de la terre mais aussi l'apocalypse d'un mariage qui est un échec et l'apocalypse que peut créer intérieurement la mélancolie, jusqu'à la mort.
L'explication de Melancholia est sans doute là : film sur différents apocalypses, qui traite de l'intimité plutôt que d'une fin de monde qui multiplierait les personnages et les tentatives pour survivre.
Après une première partie qui a exploré la relation homme/femme avec Michael/Justine, Lars Von Trier analyse plus précisément la relation entre les deux soeurs, et plus particulièrement le renversement qui s'opère : petit à petit, Justine, qui n'a pas peur de mourir, fait face devant l'apocalypse tandis que Claire cède à la panique. Au final, est-ce vraiment la fin du monde ou est-ce seulement la mort de sa soeur que Claire vit comme une fin du monde ? On peut se poser la question.
Ode à la fin du monde, Melancholia est aussi une ode à l'art, comme une compilation du cinéma qu'il est possible de faire, avant que la mélancolie ne triomphe complètement avec un écran noir. Melancholia rappelle Tarkovski, Resnais, mais s'intéresse aussi à la peinture avec les nombreux tableaux de la demeure, et les tableaux vivants crées par Lars Von Trier, particulièrement dans la scène d'ouverture. La musique n'est pas en reste avec des morceaux de Tristan et Isolde de Richard Wagner.
Pour revoir le film et en savoir plus sur Lars Von Trier (affiliation Amazon) :
18
août
Explication Melancholia de Lars Von Trier
Par Ariane le jeudi, août 18 2011, 08:30 - Les films incompréhensibles expliqués
Attention, si vous n'avez pas vu Melancholia, et que vous voulez le voir sans idées préconçues et sans spoilers, ce billet n'est pas pour vous puisque j'y donne mon interprétation du film (subjective bien sûr, et qui n'est que l'une des nombreuses interprétations qu'il est possible de donner à ce film).
Commentaires
Belle analyse ! J'ai hâte de lire les futurs commentaires !
merci pour cette juste analyse.
Je suis à la recherche d'un des tableaux présenté dans le film de LVT... Seule dans une des pièces de la demeure, Justine ferme brutalement des livres d'art exposés sur les étagèges. L'une des oeuvres représente un cerf sur fond bleu... auriez vous un indice pour me mettre sur la piste de cette oeuvre... Pour explication, le cerf est picturalement le symbole du lien entre la terre et le ciel... ce qui peut encore donner une clé dans les multiples interprétations du film...
Merci pour vos eclaircissements.
Que pensez-vous de cet élément : à un moment Justine a une conversation avec son beau-frère qui lui demande combien de trous a le parcours de golf? Elle répond "dix-huit", ce qui semble être la bonne réponse d'après la réaction de son interlocuteur. Or, plus tard mais je ne suis plus sûr de la scène (la fuite sous la grêle ?), on voit qu'il y a un trou n° 19. Dans la séquence d'ouverture, on voit d'ailleurs aussi Claire qui court en portant son fils (mais pas sous la grêle) et on voit aussi un drapeau d'un des trous de golf (qui pourrait être le n° 19)
@Gilles7 : Bonjour Gilles, malheureusement je ne sais pas qui a pu faire ce tableau... Peut-être que quelqu'un qui lira l'article pourra nous aider.
@RB : Peut-être que ce trou numéro 19 est un fantasme et n'existe pas. C'est vrai que c'est très intéressant en tout cas, qu'il s'ajoute aux 18 trous existants.
Voici mon interprétation : La clef du film se trouve dans la première partie. Celle ci donne un point de vue subjectif, personnel d'une apocalypse sociale, issue d'un comportement dépressif de Justine. Sa mélancolie la rend seule au monde, incomprise de tous; elle lui fait surtout apparaître toute la futilité des conventions sociales qui rythment la vie comme ce mariage et tous ses rituels consensuels (la tombola, le découpage du gâteau, le discours, le laché de ballons). L'angoisse de justine vient donc d'abord d'un vertige face a sa future vie rangée, on ne peut plus routinière et dénuée d'interêt (le mari aimant, la maison achetée au milieu des pommiers,la promotion sociale). Mais cette mélancolie, ce regard désabusé sur le monde qui l'entoure efface le verni social et met en lumière les vices égoistes de chacun, qu'il s'agisse de l'avarice du beau frère, l'ambition du patron ..). D'ou cette réplique dans la deuxième partie : "la terre ne mérite pas d'être sauvée". Dans la deuxième partie, le point de vue change : c'est celui de claire mais c'est en réalité le point de vue universel, car claire incarne l'homme social, aveuglé par le bonheur de sa petite vie, ses petits biens, qui n'est pas hanté par un vertige existentiel. Justine est alors une sorte de déesse qui, par vengeance, a comme extériorisé sa mélancolie pour imposer sa vision du monde apocalyptique au monde entier, et qu'elle soit comprise de tous. C'est donc le mythe de Cassandre revisité : Justine est Cassandre et le monde représente Troie, qui ne croit pas aux prophètisations apocalyptiques de cette dernière alors qu'elle restitue la parole des dieux. Alors Mélancholia est comme le cheval de Troie qui va exterminer les Troyens sans que ces derniers s'en doute. Dans le mythe, ils sont fascinés par le cadeau, et dans le film, ils sont fascinés par la planète (les séances au télescope du beau frère), mais ils restent persuadés qu'elle ne représente aucun danger jusqu'au dernier moment. Claire fait alors finalement l'experience de la Mélancolie grace a cette planète et comprends finalement sa soeur dans les derniers instants du film ( notamment le sentiment de solitude avec cette scène ou claire cherche son mari disparu et le retrouve mort dans l'écurie). Justine est donc une sorte d'incarnation divine ( scène ou elle est nue à la lumière de la planète), à l'origine du chatiment de mélancholia infligé aux hommes qui l'a prenaient tous pour folle. C''est la revanche de Cassandre .
la première partie comme vous le dites bien nous expose les points important de ce film. on peut nottament y voir justine en robe de mariée tenter de se défaire de son existence, on la voit courir mais les liens de la terre la rattrape. justine tente de s'echapper, la vie sur terre est pour elle synonyme d'ettouffement, sa liberté est ailleurs. contrairement à sa soeur, claire elle dans la première séquence du film tente de courrir pour s'excharpe du sort funeste qui l'attend elle et son fils. on remarque d'ailleurs qu'elle est en train de s'enliser, la terre constitue un élément essentiel dans sa vie.
Pour ma part, j'ai noté un certain coté fataliste, dans le discours. La fin nous montre que personne ne peut échapper à la mélancolie, si ce n'est par la mort, à l'instar du pere. Toutefois, j'ai trouvé très intéressant le fait que le petit garçon n'en soit, lui, pas conscient. En effet, il s'endort avant le "lever" de la planète, comme si ce sentiment ne concernait uniquement que les adultes. Facon de dire qu'il se retrouve emporté par la mélancholie de ses parents, et ce malgré lui. Il ne vit d'ailleurs cette expérience qu'à travers la fascination de son père, puis de sa tante Justine à la toute fin du film.
Bonjour,
C'est marrant, mais moi j'ai vu l'inverse. Pour moi Justine n'est pas la réincarnation de la planète sur Terre, réincarnation Divine, mais c'est la planète qui est la réincarnation de Justine, et donc de sa maladie.
Comme la planète, Justine est belle, brillante, elle fascine son entourage. Mais elle impacte sur toutes les personnes autour desquelles elle gravite, jusqu'à l'explosion (cf son mariage). Sa vie n'est pour elle qu'un transit, et donc la destruction une délivrance.
Sa soeur ne souhaite pas voir en face cette maladie (via le telescope), et quand elle s'y resoud, il n'y a rien a faire, l'inevitable clash arrivera (malgrès ses tentatives d'éloigner sa famille de la planète, donc de la maladie de Justine).
Mais Justine en est prisonnière également (de sa maladie), car elle y succombe également (à la fin), elle s'en charge d'énergie (nue la nuit), ne peut fuir (son cheval refuse d'avancer 2 fois là où Claire échoue également à la fin), et s'y résigne (elle ne veut plus monter le cheval.
Par contre je n'avais pas vu le coup du 19ème trou! A quel moment est-il visible? Les scènes à sa proximité seraient-elle fantasmées?
De plus, si quelqu'un a une analyse sur le coup des haricots (678), je suis preneur!!
678 : c'est la traduction numérique du mot Quabbalah (Cabale) en Hébreu 186+412+72+6
Le 19è trou apparaît au moment de la scène de la grêle peu avant la fin du film, lorsque Claire est bloquée sur le pont.
Me concernant, je suis plutôt d’accord avec judograll.
Pour moi, la planète melancholia symbolise la dépression. Au début Justine, alors qu’elle est supposée vivre un des plus beaux jours de sa vie, est la seule à voir cette « étoile » et est comme aimantée (comme si elle la sentait en elle…). Plus la planète s’approche et plus elle s’enfonce dans la dépression et, en un sens, quand elle comprend que les deux planètes vont se percuter, elle se sent libérer car elle sait qu’elle va mourir (peut être le symbolisme d’un suicide).
Je ne pense pas qu’il faille prendre la scène du choc entre planète d’une façon réaliste car les scènes d’ouvertures et finales ne les placent pas dans le même contexte (assis en rond sans costume)
Aussi pour la partir deux du film, je pense qu’elle ne sert qu’a illustrer la dépression de Justine du point de vue d’une personne extérieure (pour illustrer la différence entre une personne saine et une dépressive)
En bref, pour moi ce film est principalement une illustration de cette maladie qu’est la dépression où l’on la ressent des le début, où l’on sent qu’elle arrive sans pouvoir l’éviter et où même si il y a des mieux (la planète qui frôle la terre une première fois) la fin reste la même c'est-à-dire, un drame.
En voyant dans vos critique que Lars Von trier a (eu ?) des tendances dépressives, je me dis qu’il essaye de parler de sa maladie et « envoyer » un message en disant que même si ce va mieux, il n’est pas guéri pour autant (mais là, je fais de grosse supposition…)
N’hésitez pas a me donner votre avis, ce film à attiser ma curiosité.
il faut savoir que dans les pays anglo-saxon, le 13 porte malheur, c'est pourquoi dans les immeubles on passe directement de l'étage 12 à14, en suivant cette logique: 19 trous -le 13eme font 18.
Belle démonstration de lâcher prise. Dire oui à ce qui est.
Déjà presqu'un vieux film !
Pour l'anecdote, je l'ai vu pour la première fois au milieu de l'été dernier, en plein air, et je ne pouvais pas m'empêcher de scruter le ciel de temps en temps, melancholia oblige. J'en ai donc gardé un très favorable souvenir.
Je viens de le regarder une seconde fois, ainsi que les commentaires de ce site, et pour moi celui de nico42 est le plus éclairant. J'irais même plus loin dans sa voie. Il est évident que ce film n'est pas réductible à une simple analyse, ni même à une interprétation, c'est avant tout un beau film tragique : de l'opéra moderne à mon sens. Cependant, je crois qu'il est possible d'en dégager une certaine structure narrative organisée explicitement de façon duale. L'hypothèse qui a attiré mon attention est l'illustration de la dépression de Justine d'abord lors de son mariage, vécue subjectivement, puis par la suite du point de vue (objectif dit-on ?) de Claire. C'est de l'ordre du spéculatif, mais je dirais qu'on peut substituer à cette succession chronologique (partie 1 puis partie 2) une coïncidence temporelle mais formellement distincte (partie 1 ou partie 2), c'est à dire la fiction d'un unique évènement envisagé d'abord du point de vue de Justine (J) puis de point de vue de Claire (C). Un indice en est le cadrage (je ne maitrise pas le vocabulaire technique de la cinématographie malheureusement) : on peut opposer les scènes majestueuses de la planète qui s'approche (qui relèvent soit du fantasme pur, y compris la scène finale, soit d'un point de vue objectif) aux scènes tournées avec une caméra portée à bout de bras, dans un cadrage à la fois instable et très subjectif. Remarquons d'ailleurs que ce cadrage est présent aussi dans la partie "Claire", bien qu'il soit plus stable (de même que le personnage de claire apparaît relativement stable mentalement).
Mon hypothèse est donc que le mariage de Justine est assimilable à son appréhension lourdement fantasmée des mêmes évènements que l'on peut voir dans la seconde partie, dans une sorte de crise schizophrénique. Le principal argument est la construction parallèle des 2 récits, alors que les liens entre les 2 sont pratiquement inexistants. Il est d'ailleurs étonnant qu'aucune allusion ne soit faite au mariage en seconde partie, ce qui peut certes s'expliquer par son dénouement catastrophique. Par ailleurs, il y a bien un lien, c'est celui des 678 haricots, mais c'est là un aspect extraordinaire du film qui me semble particulièrement résistant à l'analyse. Ces objections faites, voyons les éléments qui pourraient corroborer cette homologie entre les 2 parties du film :
(SUITE)
- L'arrivée de Justine dans le domaine du couple Claire & John. Dans les 2 cas, elle est subjective (point de vue de J, puis point de vue de C). Par ailleurs, cette arrivée est excessivement laborieuse, puisque le périlleux trajet de la limousine du début serait la transposition d'ordre mécanique des difficultés que J rencontrerait réellement (sortir de chez elle, commander un taxi etc.). L'accueil de John est à chaque fois corrélé à l'argent, que ce soit lorsqu'il insulte le taxi (son of a bitch) ou lorsqu'il se plaint du coût du mariage, cette deuxième version étant donc l'équivalent de l'avarice de John décalé dans l'univers reconstruit par J dans sa maladie.
- Que ce soit dans la partie 1 ou la partie 2, J s'échappe plus ou moins furtivement pour aller s'étendre dans la nature et contempler les étoiles.
- Une scène cruciale dans chaque partie est la dégustation largement attendue d'un mets préparé spécialement pour J. Dans la partie 1, elle savoure plus ou moins son gâteau de mariage pour sauver les apparences, dans la partie 2, elle ne fait pas cet effort et se décompose littéralement en constatant : "it tastes like ashes". Sans doute ne réalise-t-elle pas sa brutalité, puisqu'elle est selon moi complètement absorbée à ce moment là par le rêve de son mariage, lui aussi en miettes.
- Bien entendu, la scène du bain est dédoublée, celui, assez majestueux et en un sens luxueux, de la mariée pendant ses noces, et celui, nettement plus sombre, de la malade en crise aïgue.
- Le lien structurel le plus fort est l'adresse de C à sa soeur : "sometimes i hate you so much", qui, convenons-en, n'est pas une formule que l'on utilise tous les jours, a fortiori du jour au lendemain comme il pourrait être le cas ici. Etrangement, dans l'univers recomposé du mariage, J est très affectée par cette condamnation, alors que dans la partie Justine, elle la reçoit avec morgue. Je laisse ce détail à vos commentaires.
- Un obstacle à ma spéculation est celui de trouver des référents réels aux personnages importants que sont le père et la mère dans la 1e partie. Difficulté que je n'ai pas surmontée, mais je crois qu'il faut voir un lien entre la disparition du père de J et la mort de John, bien que ces deux évènements affectent différemment C et J, or il me paraît impossible de relier ces 2 personnages.
- Venons en au mariage lui-même, et partant, aux plus âpres difficultés. En effet, il s'agit d'interpréter une scène à la lumière d'un réel qui ne peut être que reconstitué à partir de la vision subjective (mais déjà plus objective à première vue) de C. Je suppose évidemment que le mariage n'a lieu que dans l'imaginaire de J, et il faut donc trouver un référent réel à son presqu'époux. Ici mon propos va paraître spécieux : je crois qu'on peut assimiler Michael à son presqu'homonyme Melancholia. On entre dans l'ordre de l'approximation, mais c'est le prix à payer pour voir dans la maladie de J une véritable schizophrénie, et dans sa mélancolie un simple symptome. Dès lors, on peut concevoir le mariage en même temps somptueux et catastrophique comme une recomposition fictionnelle par laquelle Justine idéalise le drame de la fin du monde, ou plus simplement, comme le propose nico, un parcours suicidaire. Il est alors plus difficile de comprendre la 2è partie, ce qui fait partie du charme ambigu de ce film.
- Un autre élément important est le rejet plus ou moins net que fait J du beau monde et des conventions sociales : d'abord en se désintéressant du jardin avec pommiers, puis en critiquant rudement la volonté de C d'attendre la fin sur la terrasse, avec un verre de vin.
- Enfin, un déplacement qui, je suppose, va en choquer certains. Il est remarquable que, dans la partie Claire, Justine est d'abord parfaitement indifférente à la présence du garçon (Léo s'il m'en souvient), elle ne s'adresse à lui que finalement pour réaliser le projet de cabane magique. Dans la première partie, je pense qu'elle substitue fictivement la figure du jeune héritier qui doit la suivre et lui soutirer un slogan à celle de son neveu (qui joue en effet un tout autre rôle dans la 1e partie et dans la 2e). Si l'on peut dire, elle est aussi indifférente à ce jeune importun (partie 1) qu'elle ignore son neveu (partie 2) ; jusqu'à ce qu'elle assouvisse son désir sexuel (partie 1) et qu'elle se voue à son enthousiasme enfantin de construire une cabane (partie 2). Les 2 scènes ne sont pas sans rapport : lors de son mariage, Justine chevauche le jeune homme à l'écart de la société, et avec son neveu dans les bois, donc encore à l'écart, elle l'aide à affuter son bout de bois, dans une image assez subjective et, pourquoi pas, oedipienne.
Je m'arrête ici, avant de me faire traiter de psychanalyste médiocre et vereux.
Film zarbi
Film zarbi
Cool l'analyse !
Pour moi, j'ajouterai qu'il y a beaucoup plus de symboles et de jeux de miroirs...
En corrélation avec la collision des deux planètes, le père qui s'autodétruit juste après que le "petit-père" disparaisse symboliserait le soleil. L'enfant qui est le fruit de la mère (Terre) et du père (Soleil) représente l'humanité. Le surnom de "petit père" renvoie au "Père" qui nous renvoie lui même à la religion qui nous renvoie au Divin (ici masculin). Pour moi, le personnage du petit père qui n'a pas été choisi au hasard (il a suffisamment réfléchi à tout le reste, il aurait pu choisir une femme) est donc à relier à un élément masculin qui vient en aide à : la Mère (Terre), le Père (Soleil), l'enfant de la Terre et du Soleil (les humains).
Dans le film, les personnages ne se sont jamais vraiment préoccupés du Petit-Père (ils ne savent même pas s'il a une famille ou non). Et lorsque celui ci les abandonne c'est le moment du film où le père se suicide et, ensuite, où Melancholia entre en collision avec la Terre.
Le Petit-Père en tant qu’élément masculin et aidant serait pour moi le divin.
Lorsque La Terre (Claire), le soleil (le père) et l'humanité (l'enfant) ont perdu leur part de divin, le monde est voué à la destruction.
Reste à décoder le rôle d'Abraham. Je pense que ce cheval a un symbolisme aussi fort que les autres personnages (le père se suicide dans son box), seuls Judith et le père le chevauche, et il refuse de passer le pont.... Si vous avez des idées...
Je n'ai pas prétention à analyser quoi que ce soit, simplement à partager le fait que ce film était d'une sensibilité déconcertante ; il m'a touché, comme un regard d'enfant peut vous bouleverser, moi qui ne suis pourtant pas très cinéphile.
Une remarque simplement sur ce qui m'a le plus marqué : la relation des sœurs, bien sûr, que tout le monde évoque ici. Le mari de Claire, également, qui abandonne la partie si brutalement. Les parents des sœurs, leur relation et l'incidence de celle-ci sur les femmes qu'elles sont.
Mais aussi, SURTOUT : l'enfant, l'innocence, central mais discret, qui invente un outil pour mesurer, pour déterminer l'avancée de Melancholia, et qui accepte toutes les facettes de sa super-tatie.
Pour moi, l'enfant est la clé.
Et une phrase me vient à l'esprit : "un fou est-il fou ou sommes-nous tous fous ?"
pour ce qui concerne le nombre de haricot dans le bocal 678 fait selon moi référence à L(Apocalypse selon St.Jean chap.6, 7-8 :
7 Quand il ouvrit le quatrième sceau, j'entendis la voix du quatrième être vivant qui disait: Viens. 8 Je regardai, et voici, parut un cheval d'une couleur pâle. Celui qui le montait se nommait la mort, et le séjour des morts l'accompagnait. Le pouvoir leur fut donné sur le quart de la terre, pour faire périr les hommes par l'épée, par la famine, par la mortalité, et par les bêtes sauvages de la terre.
En ce qui concerne le trou 19 il fait réference au verset 19 du chap I de l'apocalypse : "Écris donc ce que tu as vu, ce qui est, et ce qui doit arriver ensuite" soit la prophétisation de la fin du monde.
Le film est bourré de références bibliques. Le trou 19 pourquoi, parce que 18 c'est 3fois 6, 666 le chiffre de la Bete.
Je suis totalement d'accord avec certaines théories notamment celles qui suggèrent que Melancholia représenterait Justine. En effet, Justine est coupée dans son élan de bonheur le jour de son mariage à partir du moment où elle observe Melancholia. Pour le reste,j'estime que vous avez déjà tout dit.
En revanche, j'y ai plus vu une critique de la société et de l'être humain. Comme certains l'ont fait remarquer Justine à probablement peur de se voir vivre dans une vie conventionnelle et confortable comme sa soeur. Je pense que c'est aussi en cela que leurs différences sont mises en valeur. Claire est une personne qui vit dans une sorte de rêve Américain, qui ne comprend pas sa soeur, elle réagit comme n'importe quel être humain qui devrait faire face à la fin du monde. Justine, elle, dit très clairement que la collision entre les planètes est une bonne chose, car l'être humain est mauvais. Elle se pose ici dans un point de vue qui pourrait symboliser l'innocence, non pas exactement la même forme d'innocence que celle de l'enfant mais celle qui démontre que nous vivons dans un onde absurde bourré de conventions inutiles et où l'argent prend une place énorme. Cette planète Melancholia consiste donc aussi à "réparer" toutes les erreurs de l'homme en détruisant sa terre natale afin qu'il ne puisse plus faire de mal.
J'ignore s'il s'agit là du point de vue de Lars Von Trier, mais si c'est le cas, on peut noter son génie de faire un film poétique sur la fin du monde, sans inclure les médias et la folie de centaines d'hommes qui paniqueraient face à la vue de cette planète, ce que nous trouvons habituellement dans tous les films catastrophes. Ici, il n'est pas question de science ou bien de politiciens, mais juste de deux points de vue différents sur la fin du monde qui s'affrontent, ainsi qu'un bout de ficelle en fer qui nous permet de monter lentement dans l'attente de la fin du monde, ainsi que dans la Mélancolie.
Je conclurais en disant que ce film est tout simplement un véritable chef d'oeuvre de la science fiction.
Bonjour,
Belles analyses sur les symbolismes du film. C'est passionnant de voir tous ces points de vue. Mais qui a relevé l'existence réelle de ce risque de rencontre de ceux planètes? Le réalisateur ne fait pas de la fiction, il joue avec la fameuse planète X qui aurait été observée par la Nasa et qui rentrerait dans dans le système solaire au bout d'un cycle de plusieurs centaines d'années.
Pour ma part, je pense que tous les personnages du film sont au courant du risque énorme de fin du monde, mais cette micro société qui assiste au mariage n'en parle pas, elle tente de continuer à vivre comme s'il n'en était rien. La maladie de Justine est-elle fort ancienne ou bien a-t-elle "basculé" psychologiquement quand elle a compris ce qui allait se passer. A ce moment elle devient comme cérébralement morte, elle est passée au delà du cataclysme et joue la comédie du mariage comme un automate bien articulé par sa propre sœur. Mais elle ne tient pas. Claire, comme tout le monde l'a vu, représente la réaction universelle par son attachement aux choses de la vie et par son effroi. Elle est de plus en plus terrorisée, malgré les propos rassurants de son mari, mais celui-ci lui ment, car il n'est pas sûr du tout de ce qu'il avance; en effet, il continue à observer, et quand il a compris que Mélancholia faisait une boucle après être passée derrière la Terre, la gravitation des deux planètes ayant été modifiée, il va chercher les médicaments et va mourir dans les écuries pour ne pas vivre cette fin du monde.
Tout le symbolisme qui a été ajouté à la trame fait de ce film un chef d’œuvre.
Encore bravo pour vos excellents commentaires.
Je pense que ce trou 19 sert à introduire de l'espoir dans l'esprit du télespectateur:
Dans la première partie du film, John demande à Justine combien de trou comporte le golf, celle-ci lui répond 18.
Dans la deuxième partie du film, lors d'une scène entre les deux soeurs, Justine affirme à Claire que Melancholia va les percuter et qu'il n'y a aucune autre forme de vie dans l'univers. Devant les protestations de sa soeur, Justine affirme savoir les choses instinctivement, et le démontre en lui annonçant le nombre exact de haricot qui se trouvait dans le bocal à la loterie de mariage. On en vient donc à la croire.
Cependant, on découvre en voyant le trou 19 que Justine s'est trompé, on peut donc douter de son don et se dire que peut-être que Melancholia ne va pas percuter la Terre, et à défaut, qu'il existe peut être une autre forme de vie dans l'univers, ce qui peut atténuer la tri
Bonsoir,
J'espère que qqn pourra répondre à mes questions.
Je suis au lycée, et j'ai une option cinéma. Pour le bac, je dois présenter un film à l'oral. J'ai tout de suite pensé à ce film, qui m'a bouleversée.
Je dois choisir une séquence d'environ 5/8 min et l'analyser. Je dois donc aussi trouver une problématique pour l'analyse.
Mais là je sèche. Je n'arrive pas à trouver LA séquence, tant toutes mes paraissent géniales et tellement importantes..
Je ne sais pas si le mieux serait de parler de la mélancholie de Justine, ou plutôt d'axer sur la fin et l'apocalypse (au mieux, trouver une séquence qui permet de parler des deux)
Merci d'avance pour vos avis
Peut-être une autre piste à explorer,
à travers ce film il m'a semblé voir aussi un avis, une vision du monde par Lars von Trier en lien avec l'Histoire. Une sorte de désenchantement du monde, la mort du romantisme (incarné par le mariage en blanc pourquoi pas), la fin des relations "ancestrales" (une relation enfants/parents qui se complexifient - avec une mention spéciale pour C. Rampling dont le rôle de la mère est assez bien ficelé), une désagrégation progressive des rapports sociaux (l'avarice, la bêtise, l'incompréhension - le manque de "psychologie" les uns envers les autres, et le mépris devenant une sorte de référence - le patron de Justine est par bien des facettes détestables mais constitue malgré ce un modèle de réussite) ...
Et donc au delà de ça une inadaptation de l'Homme face à ces changements, inadaptation dont découlerait une sorte d'état mélancolique généralisé. Avec comme touche finale la mort, comme seule conclusion à cet état actuel. Lars von Trier ne trouve qu'une conclusion à cette équation, la mort.
La destruction du monde, l'abandon de soi le plus complet amenant à une mort à plus ou moins brève échéance, le suicide. Ce n'est qu'une interprétation, sans doute fumeuse, mais je trouve qu'au delà des images il y a un certain lien avec la situation actuelle dans le monde - cette destruction perpétuelle (destruction de la nature, modification dans les rapports sociaux - disparition de certains tissus associatifs au profit de l'individualisme, tout ce qui pouvait entretenir un certain équilibre entre les Hommes, assurer une sorte d'égalité, de respect mutuel).
Une "tendance lourde" comme dirait certains historiens que j'assimile volontiers à une sorte de mélancolie généralisée.
Je ne sais pas si j'ai été très clair dans mes propos mais j'aimerai bien savoir ce que vous en pensez !
Cordialement
Louis
Je viens seulement de regarder ce film ; il y a tellement de choses à comprendre, à analyser, à déchiffrer...
Merci à tous vos commentaires, tous utiles.
A chaud, je dirais que Mélancholia traite des différentes visions de la vie : une sorte d'optimisme bien pensant (représenté par Claire, et par toutes les conventions sociales comme le mariage) qui menera à la déception ; et un pessimisme un peu plus réaliste, représenté par Justine. Je vois la planète Mélancholia et sa collision avec la Terre comme une métaphore : celle de la confrontation de ces deux visions opposées. La confrontation des sœurs. Je vois ce film comme une fable, une allégorie.
Justine comprend et déclare que le monde va mal. Elle essaye de faire comme tout le monde durant le mariage, mais elle n'y arrive pas. Elle est réaliste, elle comprend que ces conventions sociales sont de la poudre aux yeux permettant de cacher les vices de ce monde. Je tiens à faire remarquer que lorsque Justine change les livres sur les étagères durant son mariage, elle remplace des peintures abstraites colorées par des peintures figuratives : la/sa triste réalité ?
J'ai l'impression que le film traite des 7 sept péchés capitaux. Ces vices humains qui rendent Justine si mélancolique, dépressive et pressée que la Terre disparaisse :
L'Orgueil = le patron, fier de son entreprise
L'Avarice = John, traitant toujours d'argent
L'Envie = peut-être simplement représenté par la richesse de la réception ?
La Colère = la mère des sœurs peut-être ?
La Luxure = les envies sexuelles du marié, puis celles de Justine, sans respect de l'autre.
La Paresse = Justine elle-même ?
La Gourmandise = les passages où l'alcool coule à flot.
Seul l'enfant n'a pas l'air touché par ces vices, c'est pour cela que Justine l'accompagne à mon sens.
De prime abord, je trouvais que ce film avait quelques longueurs, mais plus j'y pense et plus je le trouve intéressant.
Selon moi Justine et Claire se complètent totalement et ont besoin l'une de l'autre. Comme le yin et le yang. Claire aime la vie... Elle est donc triste de la fin qui arrive. Justine voit le côté sombre de la vie. La fin pour elle est une bonne chose. La planète qui s'approche de la terre, à cause de phénomènes magnétiques ou autres, accentue la personnalité des personnages. Plusieurs passages sont difficiles à comprendre... pourquoi les chevaux sont devenus calmes?... Quelle est l'énigme qui entoure le cheval de Justine? C'est vrai qu'à partir du moment où Justine a remarqué la planète tout a semblé prendre une autre direction pour elle... Comme si, à partir de ce moment elle savait que tout était fini. Elle a réagi à sa façon. Je me pose la question: avant ce mariage quel genre de relation avait-elle avec son amoureux?
Pour ma part , j ai retenu le calme de l enfant grace au courage de Justine qui affronte leur mort a tous de maniere admirable , la folle du film n est pas celle que l on croit , ce film a fait monter en moi un etat anxiogene tres violent , je ne le regarderais pas 2 fois
C'est un très joli film. Mais avez vous compris que Justine a les mêmes pouvoirs de vision du futur que sa mère, d'où les séances dans la baignoire car elle sait que la fin du monde approche. Autre preuve, elle connait le nombre exact de haricots dans le récipient. Du coup, on peut voir le film aussi comme étant : Comment vous comporteriez vous si vous saviez que la fin du monde approche ? Justine a prévu de mourir avec ses proches
Vous avez peut-être déjà évoqué
le tableau de Cranach, Melancholia avec tous les éléments du film ?