Tout commence dans les Highlands cerclées de brume. Un clan exploite un homme (Mads Mikkelsen, le célèbre Le Chiffre de Casino Royale). Il est borgne et ne parle pas. Il vit dans une cage et le chef le sort, de temps à autre, pour le regarder se battre et tuer.
Un jour pourtant, One Eye réussit à s’enfuir. Un enfant le suit. Sur leur route, ils rencontrent des missionnaires chrétiens qu’ils décident de suivre.

One Eye succède à Charlie en toute harmonie. Les premières scènes, très proches de Bronson, sculptent les combats et font grincer les poings avec la même fureur. C’est Bronson, prisonnier et violent qui se réveille, plongé cette fois-ci dans la boue et au temps des vikings. Vient la libération, et avec la libération une errance métaphysique où la violence ne s’invite plus qu’épisodiquement.

Le Guerrier silencieux (Valhalla Rising) est le film du mystère : mystère d’une zone géographique inconnue, mystère d’un personnage omniprésent à l’écran dont on ne connaitra jamais la voix, mystère d’un lien invisible et fort entre l’enfant et le guerrier.
Tout y est simple et complexe en même temps. Nicolas Winding Refn nous plonge au plus profond d’une transe divine : répétition de plans fixes dévoilant des paysages de montagnes ou des eaux transparentes, brumes terrifiantes où l’avenir n’a plus ni texture ni forme, visions où One Eye, ensanglanté, regarde un hors-champ et quelquefois lui-même.
Les images, magnifiques, rythment un voyage vers l’enfer, où la nature, comme le cinéma, évolue à travers la figure du cercle.

Si One Eye est muet, la musique et les bruitages ont tôt fait de le remplacer, Nicolas Winding Refn mettant en place une permutation continue entre son héros et les éléments filmiques : puisqu’il ne parle pas, la musique le fera, s’il est borgne, c’est pour mieux souligner le caractère visuellement travaillé de chacun des plans.
Le son, horrifique, associé à la beauté d’images teintées de noir et de rouge, construit un monde dans lequel on donnerait tout pour ne jamais aller, et tout pour simplement le voir, encore un peu, protégé par l’écran paternel.

Le Guerrier silencieux (Valhalla Rising) est un poème du plan fixe, un poème visuel venu du fond des âges, qui se traine dans la boue et rêve d'une source d’eau pure, qui passe de l’eau douce à l’eau salée, invention pudique pour évoquer les larmes, peut-être.


Mon avis sur Le Guerrier silencieux, Valhalla Rising : 9/10

Pour avoir osé. Parce que c’est hallucinatoire et beau. Parce que c’est magistral et dérangé en même temps. Parce que Bronson. Parce qu’expérience. Parce qu’émouvant et attachant.

Avertissement (quand même)
Le Guerrier silencieux n’est pas un film comme les autres.
Il plaira aux amateurs de films-expériences.
Si vous avez aimé Antichrist, Délivrance, et Bronson, ce film est fait pour vous.

J’ai hésité à mettre un 9,5, pour montrer combien ce film est étrange et magique. Je laisse le 9, la place des femmes étant trop infime dans le film, puisqu’elle tient dans une seconde consacrée à un troupeau de femmes nues en arrière plan…


Et puis pour se cultiver un peu (et mieux comprendre Le Guerrier silencieux) : Qu’est-ce que ça veut dire Valhalla ?

Valhalla, c’est aussi , la Valhöll, un terme de la mythologie nordique pour nommer la demeure des occis : le paradis viking où les guerriers les plus courageux sont amenés. Dans les fortifications de ce lieu, vit Odin, dans un palais à 540 portes. Il prépare les guerriers à la bataille finale (le Ragnarök.) Pendant la journée, ces guerriers combattent, se tuent, et renaissent pour ensuite, pendant la nuit, se gorger d’hydromel et de chair de sanglier.
Cette histoire donne au dénouement de Valhalla Rising une démultiplication du sens dont je ne parle pas ici pour ne pas dévoiler la fin.


Pour les fans de Nicolas Winding Refn, que faire une fois que vous aurez vu Le Guerrier silencieux ?

Si comme moi vous avez découvert Nicolas Winding Refn avec Bronson, alors le visionnage de sa trilogie Pusher peut être une manière d’attendre le prochain film du réalisateur.
Car il est déjà question d’un prochain film : Only God Forgives, un thriller-western à Bangkok « pour combiner mon intérêt pour la cuisine asiatique et pour le western » déclare le réalisateur.

Dernière anecdote (oui, décidemment, je n’arrive pas à finir cet article, trop d’éléments intéressants entourent ce film et son réalisateur) : c’est en découvrant Massacre à la tronçonneuse que Nicolas Winding Refn a vu le cinéma comme une forme d’art.


Bande annonce Le Guerrier silencieux (Valhalla Rising) de Nicolas Winding Refn



Sortie le 10 Mars !