Félicité court dans les bois en pleurant. Elle fuit la violence d’un homme qui vient de lui annoncer que son fiancé ne reviendra pas. Il compte se marier avec une autre. Première blessure, pour un cœur simple qui va être mis à rude épreuve durant toute sa vie.
Embauchée par Madame Aubain, une veuve digne et austère, la vie de Félicité passe entre petits bonheurs et réprimandes, éclairs de joie et grands malheurs. Voir la plage, embrasser un enfant, découvrir un neveu, écouter parler Loulou, son perroquet. Se priver, pour les autres, donner son affection, aussi, pour laisser libre cours à la spontanéité de la petite Clémence Aubain, brimée par sa mère, aider l’homme à tout faire de la maison. Madame Aubain, elle, reste impénétrable à ce charme simple et spontané, vivant.

Mais Flaubert n’est pas loin et tisse, scène après scène, des malheurs dont Félicité se relève toujours plus affaiblie, mais toujours la même. Une boiterie pour avoir fait face à un taureau, son neveu tué à la Havane, Clémence morte au couvent, Loulou son perroquet mort de froid. Le sort s’acharne, jouant cruellement avec le prénom de sa plus grande victime : Félicité, prénom à la fois ironique compte tenu des nombreux malheurs du personnage, mais en hommage, aussi, à cette femme qui peut être heureuse avec peu, très peu, malgré tout, presque.

Si toutes ces peines amènent un retournement positif, c’est sans doute celui de Madame Aubain, qui, portée au laudanum, perd indifférence et hauteur envers Félicité, devant la tombe de sa fille. Seul instant du film ou les possibilités d’un amour féminin apparaissent, doucement, et toujours simplement.

Un cœur simple reste un film dur, le calvaire quelquefois heureux d’une femme qui, de l’amour qu’elle porte à un homme reporte son affection sur les enfants de celle qui l’emploie, puis sur Loulou le perroquet, bientôt empaillé.
L’adaptation est sobre, austère, portée par quelques moments de bonheur pur, sur les plages du littoral.
Le couple d’actrices (Sandrine Bonnaire et Marina Fois) fait merveille, créant une opposition presque toujours constante, mais jamais caricaturale. Un rôle à contre-emploi pour Marina Fois, d’habitude candidate à la comédie. Son austérité n’en est que plus spectaculaire.
Seul bémol à la mise en scène : ces plans clichés de début et de fin, qui jouent du ralenti et de la surimpression, sans que le film nécessite de telles expansions esthétiques.
Un film d'époque, donc, qui n'est pas sans rappeler Lady Chatterley : ses audaces esthétiques, son amour de l'image et du geste plutôt que le martèlement des mots.