J’ai abordé Si loin de vous à la fois comme lectrice passionnée, mais aussi en tant que cinéphile curieuse, et ce second aspect ne m’a pas déçue.
Au niveau de l’histoire du cinéma, Si loin de vous est d’une richesse évidente : le livre aborde une époque du muet très peu étudiée de nos jours, même en histoire du cinéma. Le lecteur se retrouve alors avec des stars connues comme De Mille ou Chaplin, citées à deux ou trois reprises, le temps d’une phrase, et dans les premiers rôles, il découvre les stars Jun Nakayama, Elizabeth Banks, Nora Minton Niles, ou encore le réalisateur Ashley Bennett Tyler.
Le monde bien connu de Hollywood, avec ses prestigieuses fêtes, se mêle avec élégance à ces personnalités enfouies trop vite par l’Histoire et dont la popularité a pourtant été gigantesque. A ce titre, le voyage en train de quatre stars des années 10 dont Elizabeth Banks et Jun Nakayama dans « Le train de la victoire » résume assez bien la nouveauté qui s’instaure à cette époque : les stars de cinéma découvrent leur renommée, le star system est en train de naître.

Mais Si loin de vous, au départ, manque de souffle. Le livre souffre d’une intrigue assez mince, et lente. Il s’agit d’essayer de comprendre pourquoi Jun Nakayama a brusquement quitté le monde du cinéma. Après dix ans de succès, son étoile commençait-elle tout simplement à perdre de sa fraicheur et de son brillant ? S’agit-il du mouvement californien anti-japonais qui ne cesse croitre à cette époque ? Ou s’agit-il de raisons sentimentales, d’intrigues plus profondes entre les personnages : entre des producteurs et des stars, ou même entre stars ?
La seconde partie du livre gagne heureusement en vigueur, pour terminer sur un dénouement aux multiples révélations, qui donne finalement une certaine cohérence au personnage de Jun Nakayama, trop longtemps insaisissable.

L’écriture, sympathique mais sans surprise troque une possible poésie (le cinéma, c’est comme un poème) contre un formalisme un peu trop sérieux et strict, à l’image, finalement, du personnage principal.

En bref : un livre à conseiller aux passionnés de cinéma, ou aux lecteurs qui souhaitent découvrir le Hollywood des premiers temps, celui d’avant le code Hays, celui d’avant les règles. Une telle époque aurait sans doute mérité un traitement plus fantasque, pour que Si loin de vous, ne semble pas si loin de nous…


N’ayant pas vraiment été marquée par un passage en particulier dans le livre, mais plutôt par l’ensemble, je propose tout simplement les quelques lignes du début de Si loin de vous.

« Lorsque j’eus vent de l’ouverture prochaine du « Temple du cinéma muet », j’aurais dû me douter que quelqu’un se lancerait à ma recherche, mais je fus néanmoins surpris par le coup de téléphone du jeune homme hier matin. Il m’avait trouvé le plus simplement du monde – par l’intermédiaire des renseignements -, et le fait que mon numéro figure dans l’annuaire, sous mon vrai nom, vous donne une idée du nombre d’appels de ce type que j’ai pu recevoir au cours des quarante dernières années. Ainsi, hier matin, quand retentit la sonnerie du téléphone, je pensai que c’était Mme Bradford, qui habite l’un des pavillons de la copropriété située un peu plus loin dans la rue – nous prenons souvent le petit déjeuner ensemble le week-end, habitude devenue plus régulière depuis le décès de son mari -, et je n’étais pas préparé à entendre la voix juvénile et inconnue qui m’interrogea :
- Excusez-moi, monsieur, mais êtes-vous le Jun Nakayama qui a joué dans « Tour de passe-passe », le classique du cinéma muet ? »

Extrait de Si loin de vous de Nina Revoyr

Si loin de vous est disponible aux éditions Phébus.
Merci à Chez les filles pour cette découverte.