Slimane, 11 ans, vit dans un quotidien rythmé par les cris et les coups : avec son frère ainé Maxence, et leur mère, ils endurent jour après jour l’alcoolisme de leur père, ses crises de fureur qui laissent un goût de sang, de peur et de colère.

Le lecteur le sent dès les premières pages : Le Pays sans adultes est une revisite de Peter Pan où le pays imaginaire devient cette fois le refuge des enfants qui ne veulent plus vivre dans le monde des adultes. Un Peter Pan sombre, qui sans espoir ici, préfère partir là-bas.

Comme Tim Guénard dans Plus fort que la haine, Ondine Khayat raconte l’histoire d’une famille blessée. C’est Slimane qui nous guide au cœur de sa vie, et les violences paternelles qui sont racontées avec des yeux d’enfants, empreints de poésie et d’imagination.
Car pour tenir, Maxence et Slimane imaginent. Ils n’ont pas vu la mer ? Pas grave. Il suffit de fermer les yeux, sentir le vent et les embruns se promener sur son visage.
Ils ne peuvent pas voyager ? L’escalator du centre commercial de Bagnolet les envoie aux quatre coins du monde en exploration.

Il faut tenir, face au Démon. Le Démon, c’est le père, qui, sans travail, décharge sa colère sur sa famille.
Ondine Khayat s’infiltre dans le cœur du lecteur. Son récit, émouvant, jamais exagéré ou artificiel, transporte dans un monde d’adulte, qu’un enfant tente de comprendre, en vain. Est-ce l’alcool qui rend le Démon violent ? Non, puisque Maxence et Slimane, en buvant pour voir, sont restés gentils, mais ont été malades…

La troisième partie du livre s’entrouvre : l’air aseptisé de l’hôpital s’engouffre dans Le Pays sans adultes, et Slimane, dans ce nouvel univers, pourra faire son travail de deuil lors d’un parcours initiatique où il rencontrera Marguerite, la vieille femme aigrie, Hugo, un petit garçon atteint d’une leucémie ou encore Valentine, aussi fine qu’un courant d’air.

La date de ce billet tombe à la fois bien et mal : j’aimerais remercier Chezlesfilles de m’avoir envoyé Le Pays sans adultes, et j’aimerais conseiller aux lecteurs du blog de s’y plonger, un peu plus tard peut-être, si l’on s’en rapporte aux croyances établies, et à Noël comme un jour de bonheur et d’espérance, où les pleurs sont mis en attente.
Le Pays sans adultes est un livre sombre, sur les erreurs des adultes et l’incompréhension des enfants, des cœurs tendres. Le lecteur y trouvera l’espérance, pourtant, et, sûrement, comme Ondine Khayat, le désir de changer le monde. En fait, Le Pays sans adultes est peut-être un livre à lire à Noël...


« Je m’appelle Slimane. Je me demande bien où mes parents ont péché un nom pareil… Sûrement dans un lac très loin d’ici. Je vis dans une famille complètement tordue. Si j’étais pas un enfant de onze ans, je mettrais toutes mes affaires dans une valise, comme mon père quand il est en colère, et je m’en irais en claquant la porte. Ensuite, je m’assiérais dans ma voiture et je démarrerais en faisant beaucoup de bruit, comme mon père quand il est en colère. Je laisserais de la fumée toute noire derrière moi, comme mon père quand il est en colère. Je suis sûr que même quand il était dans le ventre de sa mère, il lui criait après pour qu’elle change le liquide « agneautic », un peu comme on change la litière d’un chat. A mon avis, c’était une énorme erreur de le mettre au monde. »
Les premières phrases du Pays sans adultes


Le Pays sans adultes est disponible aux éditions Anne Carrière. Il fait 335 pages.