Christopher Nolan aime les récits tortueux. Avec Memento, il signe un film dans lequel la trame narrative s’oublie et se répète, à l’image des pensées de son héros. Les flashbacks se suivent, les scènes se rejouent, laissant découvrir peu à peu les dix secondes qui précédaient telles actions et la véritable nature des personnages que Léonard côtoie. Car comment se rappeler une dispute quand on oublie ce qu’il s’est passé il y a deux minutes ? Le spectateur, et le film lui-même deviennent une preuve, guidés par la volonté de savoir, mais pas celle d’oublier.
Memento appartient au cercle fermé des films basés sur la psychologie d’un personnage tourmenté et manipulé, comme Mulholland Drive, Shutter Island ou encore Lost Highway.

Malgré une trame narrative complexe, le film se suit avec une simplicité déconcertante : Guy Pearce, en homme blessé et malade est à la fois convaincant et émouvant, tandis que les personnages secondaires, tour à tour, passent de l’ami à l’ennemi et inversement.
La photographie danse à plusieurs reprises avec le film noir, grâce à de beaux passages noir et blanc, ou encore à la mise en scène des personnages féminins, femmes fatales fragiles ou manipulatrices.

A l’écran, le décalage entre la belle voiture poussiéreuse de Léonard, ses magnifiques costumes et ses rendez-vous dans des bars et des motels miteux ajoute encore à l’atmosphère mystérieuse de Memento, pétrie dans la figure du double et des multiples.

Les Bonus de Memento
Les compléments de ce DVD sont composés des bandes annonces en français et en version originale, des filmographies de Christopher Nolan et des acteurs et d’une lecture du film avec les commentaires audio, qui permettent de dévoiler les secrets de structure du film et certains choix de mise en scène.

La bande annonce de Memento



Existenz est le deuxième film de ce coffret. A première vue, les deux films peuvent paraître assez différents : l’un est réalisé par Christopher Nolan, l’autre par David Cronenberg, et, si ce sont deux thrillers, l’un concerne la mémoire et l’autre l’univers du jeu vidéo. Ce qui réunit ces deux thrillers, c’est une trame narrative non linéaire.
Dans Memento, le spectateur suit un récit de flashbacks imbriqués tandis que dans Existenz, le spectateur est propulsé dans différents mondes digitaux, jusqu’à ne plus pouvoir identifier le niveau de réalité.
Et, à chaque fois, le deuxième visionnage permet un nouveau regard sur le film.



Dans Existenz, David Cronenberg développe des thématiques qui lui sont chères : l’imbrication entre les nouvelles technologies et le corps, la chair dans ce qu’elle a de plus visqueux et de plus sale.

Tout commence dans une petite église où Allegra Galler, la conceptrice du tout nouveau jeu vidéo Existenz, propose à une dizaine de participants de tester le jeu en avant première. Hélas, dans la salle, un anti jeu vidéo pointe son arme sur Allegra et la blesse à l’épaule. L’assistant marketing (Jude Law) du jeu réussit à s’enfuir avec Allegra avec pour mission de la protéger.

Bien vite, les deux univers de ces personnages s’opposent. Il n’a pas de bioport dans le dos et est terrifié à l’idée de jouer aux jeux vidéos d’Allegra qui ne pense qu’à une chose : sauver son pod pour sauver son jeu, et donc se connecter avec un ami dans Existenz. Ted finit par accepter, et voilà cet étrange duo lancé dans le jeu.

La trame narrative d’Existenz est sans doute l’aspect le plus réussi du film : David Cronenberg réussit à faire perdre pied à ses personnages et au spectateur, en jouant constamment sur les différents niveaux de fiction, dans un univers où les consoles de jeu, dégoulinantes et mouvantes, sont construites à partir d’amphibiens et se branchent dans le dos.

La scène culte se passe dans un restaurant chinois insalubre où Ted commande la spécialité du chef : un ensemble d’amphibiens qu’il mange avec répulsion mais sans pouvoir s’arrêter, en assemblant les différents os pour construire son arme.

Au final, si le scénario tourne en rond avec intelligence, on fait bien vite le tour des personnages, chacun obsédé par sa sécurité (la réalité pour Ted et le pod pour Allegra). Dommage.

La bande annonce d'Existenz