Il y a ce nouveau spectacle de Broadway et les répétitions de danse, le film en cours de montage (et vraisemblablement raté) intitulé Le Roi du gag, un show télé et d'étranges conversations dans les coulisses entre Joe et une femme vêtue de blanc. Autant de mises en abyme qui révèlent les différentes facettes de Joe, à la fois metteur en scène, réalisateur, spectateur et patient. Insaisissable, Joe l'est, et Bob Fosse n'hésite pas à multiplier les dédoublements du personnage, grâce à l'omniprésence des miroirs. Le milieu du spectacle et Joe deviennent alors deux entités inextricables, la vie de ce dernier devenant finalement sa dernière oeuvre.
Que le spectacle commence est à la fois le portrait d'un homme et le portrait du show business, définis par un montage virtuose, rapide et saccadé.

La place de la mort, elle, est en coulisse, sous la forme d'une belle femme mystérieuse habillée en blanc. Elle attend son heure. Elle attend son ultime rôle dans le dernier spectacle de Joe : sa mort. Bob Fosse choisit l'inversion des couleurs : le noir comme figure protectrice de Joe, toujours en tenue sombre et le blanc qui envahit peu à peu le film, ce blanc des draps d'hôpital et des tenues des derniers numéros.
Si le montage saccadé et virevoltant laissent filtrer la personnalité ultra dynamique de Joe, dès le début du film, quelques indices de sa fragilité apparaissent, avec une scène matinale qui se répétera plusieurs fois. La salle de bain, pour Joe, est une pièce dans laquelle on se lave, mais surtout dans laquelle on se soigne avec l'artillerie lourde : comprimés effervescents et boites de médicaments sur lesquels on découvre pour la première fois son prénom. Joe, dès le départ, est défini par ses cachets (un traitement pour l'hyperactivité) autant que par la musique qu'il écoute et ses premiers mots du matin : "it's show time".

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A plusieurs reprises, Bob Fosse réalise un travail sur le son pour suggérer la santé fragile de son personnage : ainsi au départ, on n'entend pas les candidats du casting chanter, ni les gens rire pendant la présentation du nouveau scénario. Lentement, Joe est coupé de la réalité pour être ramené à son intériorité : les battements de son coeur, l'approche de la mort. Le silence nous effraie, car dans le monde du spectacle il signifie la fin.
Que le spectacle commence est une comédie musicale en forme de requiem, Bob Fosse n'hésitant pas à inclure l'hôpital, qui devient, comme tout autre lieu, l'espace de la musique et de la danse.

Le film oscille alors entre gaieté et amertume, sexe et mort, qui donnent lieu à de magnifiques numéros chantés et dansés. On retiendra la scène de danse charnelle présentée aux producteurs et des chansons comme "Who's sorry Now" et "Bye Bye Love", dans lesquels la musique et la danse dévoilent les pensées les plus profondes des personnages : leurs peurs, leurs espoirs.

Palme d'or à Cannes en 1980, Que le spectacle commence réussit la prouesse de garder le swing, la gaieté et la légèreté de la comédie musicale tout en y injectant le thème de la mort. Bob Fosse met en scène un film multi-facettes, à l'image de son personnage principal et du monde du spectacle, pour lesquels la mise en abyme et les dédoublements n'ont, depuis longtemps, plus aucun secret.


''Que le spectacle commence'', palme d'Or à Cannes (1980)