C’est sans compter le charme insalubre de l’hôtel : papier peint qui se décolle, lit aussi mou qu’une éponge. C’est sans compter, aussi, la première commande du studio : un film de catch. Barton Fink quitte théâtre et poissonniers pour écrire un scénario sur un sport dont il ne connaît rien. Seul et sans inspiration, il tente d’écrire, sans succès.
Le travail de scénariste et le système des studios sont passés au vritriol : Barton Fink, coiffé à la Eraserhead, n’arrive à rien écrire pendant les trois quarts du film, et les représentants des studios, tous énergumènes à leur manière, proposent des scènes presque surréalistes, comme l’adoration fétichiste des pieds de Barton Fink devant une piscine au bleu parfait.
Heureusement, son voisin de chambre, Charlie, est un homme du peuple comme Barton les aime : expansif, avec plein d’histoires à raconter, amical et jovial. A chaque fois, ce voisin tombé du ciel débarque, prêt à aider Barton : démonstration de catch, dialogue pour l’aider à trouver l’inspiration, secours pour enlever de la chambre le cadavre d’Audrey, rencontrée depuis peu, amante d’un écrivain alcoolique, et dont Barton est amoureux depuis leur première rencontre. Car après avoir appelé Audrey, paniqué puisqu’il doit faire un compte-rendu de son histoire le lendemain et qu’elle peut l’aider à trouver des idées, celle-ci sonne à la porte, et les discussions sur le film de catch se transforment en baisers. Le plan suivant sur la salle de bain, avec le robinet et la caméra qui s’engouffre dans le trou du lavabo, hautement métaphorique, fait sourire, tout en suggérant avec malice la scène torride qui a lieu à côté et se teinte déjà du sceau de la mort.
Barton Fink en est, sans doute, réduit à perdre toutes les connaissances qu’il peut avoir. Est-il maudit ? Est-il un assassin ? La mort d’Audrey est en tout cas le déclic : une fois le désir accompli et la femme assassinée, la quête de l’écriture se fait victoire. Et si ce timide écrivain avait besoin de tuer pour écrire ? Et si l’écrivain jaloux et alcoolique avait pénétré dans la chambre ? Et si Charlie cachait quelque chose ?
Quelles que soient les réponses, Los Angeles reste le haut lieu de l’enfer, avec un incendie final qui reste décevant et une comparaison avec le diable qui n’avait sans doute pas besoin d’être. Reste à trouver qui l’incarne et à se délecter d’un humour noir et critique, d’un style visuel remarquable, tout en pensant, avec sagesse : non, Los Angeles n’est pas pour le vieil homme, ni pour le dramaturge.
Barton Fink est la palme d’or du Festival de Cannes de 1991.
10
juin
Un film des frères Coen: Barton Fink
Par Ariane le mardi, juin 10 2008, 11:24 - Films à l'affiche
Barton Fink, jeune dramaturge timide, devient la coqueluche du théâtre new yorkais. Sa pièce et son style, consacrés au peuple, et rien qu’au peuple, ont tant enchanté les critiques que sans trop avoir choisi, Barton Fink se retrouve embauché par un studio hollywoodien. Direction Los Angeles, vers un avenir supposé brillant.
Vous aussi notez ce film !
9.8/10
- Note : 9.8
- Votes : 31
- Plus haute : 10
- Plus basse : 7
Commentaires
Bon... un film que je n'ai pas critiqué mais qui m'a fait aimé le cinéma: je devais l'analyser dans un cours de cinéma justement a Ahuntsic, il y a un bon bout. Bref, il y a du symbolisme en fut la dedans et les frères Cohens sont très, très forts! Quelle ambiance et surtout, tout un décor ou tout semble pouvoir arriver. J'adore la scène finale ou l'Enfer semble se déchainer avec les cris incroyables de John Goodman :P Comme dans Old Country for old men, il y a des questions sans réponses...
Exactement... En 1991, ils aimaient déjà les histoires sans fin ! et à chaque fois, même déception et même plaisir : au spectateur d'inventer la suite...
Hey ! Sympa de deterrer des films qui ont 20 ans ! On les oublient parfois tellement nous sommes lobotomisés par des productions hollywoodiennes sans saveur.
A bon entendeur !
Déterrer est peut-être un peu fort
je suis sûre que Barton Fink n'a pas besoin de moi pour être un film qu'on regarde encore aujourd'hui...
Et puis quand rien ne vous tente au cinéma, autant revenir vers les classiques, ou découvrir d'anciens films qu'on n'a jamais vus...
J'aime beaucoup l'affiche du film (que je n'ai pas vu), qui préfigure deux acteurs charismatiques et une esthétique soignée
.
@ariane, si il ont besoin d'être évoqué car on ne prend pas forcément le temps de revenir en arrière pour apprécier ce qui a déjà été réalisé et vivons davantage dans un présent de consommation hasardeuse des films.
Qu'est ce que je raconte ? !
je peux être d'accord lol mais quand les films en salle ne me tentent vraiment pas, je préfère de loin découvrir un film un peu plus ancien
ça fait plaisir.
Mais je pense aller voir Phénomènes cette semaine.
Merci en tout cas Arthak pour tous tes commentaires
Esis: tout à fait, deux acteurs très charismatiques, au charme et au physique originaux.
Ce film m'a tenu haleine même en le regardant à 2 h du matin, je n'ai pas pu m'empêcher de rire (glousser ?) devant cette scène ou ce grassouillet chef d'entreprise baise les pieds de Barton pour l'amour de l'art. Absurde à souhait.
Ce film me fait penser à un autre, d'Albert Dupontel, "le Créateur", et si vous connaissez l'univers de ce réalisateur totalement surréaliste. Ce sujet, l'artiste en crainte devant sa feuille blanche, d'autant plus lorsque son art est "une commande" et toujours traité avec humour.
Ah Albert Dupontel ! Je ne connais pas le Créateur. J'ai seulement vu pour le moment Bernie et Enfermé dehors. J'ai adoré ces deux films tout à fait surréalistes et poétiques aussi.
Il y a effectivement une tonalité identique à celle de Barton Fink!
jadoooooooooore ce blog
Bonjour, je vous felicite pour votre blog
esperons que lannee prochaine portera ce gence de changement