Ensuite, ce sont tous les comiques ensemble qui prennent le relais et créent une pièce réussie : comique de situation, comique de geste, répliques savoureuses, s’enchainent à un rythme effréné. Le bus, lui, ne passe pas. Ce sont les rires qui fusent, et à plusieurs reprises, les deux acteurs perdent leur sérieux. Fait rare au théâtre, pour le spectateur, de sentir qu’à certains moments, et pendant quelques secondes, les acteurs qui incarnent ces personnages les ont quittés, pour rire de la façon dont l’autre, l’ami, a dit telle ou telle réplique. Spontanéité, complicité et convivialité : trois qualités qui en font une pièce touchante, où diverses émotions côtoient le rire.

Bien sûr, on n’échappe pas au stéréotype du calme campagnard et de l’urbaine nerveuse et fatigante, mais les clichés participent au comique : elle s’extasie devant des bébés mésanges et souhaite les caresser, tout en maniant téléphone et GPS, il se promène avec du thé, du vin, des triscuits (des biscuits en béton cuits trois fois) et une petite nappe rouge et blanche. Mettre en scène deux personnages que tout oppose : voilà l’une des recettes du comique. La confrontation. Au cinéma, le Provençal va dans le Nord. Au théâtre, la citadine se perd dans la campagne en se targuant de savoir que le mulot fait hi han.

Pendant la pièce, les deux personnalités se découvrent et partagent, chacun, leur hiver : il attend sa femme, elle a perdu son rôle et son partenariat avec John Westwood, un grand réalisateur qui a décidé de ne pas réaliser son adaptation de Don Quichotte. Un hiver, donc, écourté par la rencontre de deux âmes différentes, mais complémentaires, et pas si opposées : le hasard de ses antennes d’abeille ne dit-il pas, potentiellement, le lien qui peut se créer entre elle et lui ? L’éclipse, elle, est là pour symboliser le passage de l’hiver au printemps, et si la citadine a bien du mal à se taire devant le magnifique spectacle de cette lune et de ce soleil, c’est pour le plus grand plaisir du spectateur, avec cette petite remarque terrible, devant un spectacle si beau : quand je pense aux gens qui sont en train de changer à Chatelet ! S’il faut retenir une réplique, c’est peut-être celle-ci.

Florence Foresti s’est lancée dans le théâtre, et elle a bien fait : ses grimaces, évoquent Louis De Funès, son charisme et sa voix particulière illuminent le texte. Philippe Elno, auteur de la pièce, lui donne la réplique dans un registre plus mesuré, plus calme : un rôle qui lui va bien, assez philosophe en somme. Apiculteur, pourquoi ? Mais parce que c’est le seul élevage qui reste libre et n’est pas tué. Quelques répliques sérieuses, alors, noyées dans l’accent américain largement francisé de Florence Foresti, ou les tentatives pour avoir un semblant de réseau. Une pièce originale et amusante, donc, même si la fin est peut-être de trop… La suggestion quelquefois, suffit, et il n’est point besoin de discuter soupe et invitation pendant plusieurs minutes pour que le spectateur comprenne, que, décidémment, lui et elle vont faire un bout de route ensemble.

théâtre de la gaîté montparnasse

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