Freddy, croquemitaine à la démarche brinquebalante, démon légendaire qui se téléporte toujours pour être à vos cotés et, de sa main aux griffes de fer titiller le réel et la vie. Un film culte, mais sans doute uniquement pour les amateurs de films d’épouvante. J’espère me tromper. J’espère qu’il s’agit d’un film culte pour tout le monde.
Si les films d’horreur sont souvent critiqués, jugés mauvais, tout bonnement de genres, c’est peut-être parce que la représentation de la violence n’est pas analysée comme elle devrait l’être. Pourquoi, aussi, n’y aurait-il pas dans ces films des amorces de réflexion ? Pourquoi n’y aurait-il pas autre chose que des meurtres et du sang ?
Les griffes de la nuit… Un titre métaphore du cauchemar : ce cauchemar qui vous happe, jusqu’au réveil, salvateur. Et si, quelquefois, on ne se réveillait pas ? Wes Craven part de ce postulat en inventant un monstre qui appartient au pays des cauchemars, y a forgé sa toute puissance et attend, aux aguets, le sommeil de ses proies. Avec Freddy, on meurt en dormant, et on meurt éveillé.
Le traitement de l’espace est admirable: de la veille au sommeil, il reste au début le même, le rêve commençant toujours là où se situe le personnage. Partant de lieux réels, le cauchemar, ensuite, avance toujours vers les caves, les sous sols, pour retrouver la demeure de Freddy : cet immense entrepôt sale et fumant. La frontière entre le rêve et la réalité n’existe pas : les deux mondes semblent être cote à cote ; l’un en bas, l’autre en haut. Terrifiant.
La scène de la baignoire, effrayante et sensuelle à la fois, résume à elle seule la définition du cauchemar dans le film : une puissance maléfique qui transforme le réel, ouvre une brèche dans la réalité pour se saisir de sa proie et la tuer. Rien d’abstrait dans tout ça, à première vue : Freddy tue. Mais le meurtre de Glenn, plus étrange, ne montre pas Freddy, comme si cette fois le personnage était une entité cauchemardesque, un cauchemar, sans visage. Que symbolise Freddy sinon la peur de s’endormir, la peur des mauvais rêves ? Le cinéma d’épouvante personnifie sans cesse : les peurs, les vices. Les monstres sont des allégories, souvent : ils signifient.
Plus de vingt ans après sa sortie, Les griffes de la nuit fait toujours peur, comme s’il avait réussi à se libérer de la malédiction de nombreux films d’épouvante : cette peur qui s’étiole au fur et à mesure des années. Les griffes la nuit parlent encore d’elles-mêmes, marquant les esprits et lacérant le rationnel d’une main de fer.

Freddy Krueger
Une petite photo pour faire les présentations. La classe quand même: Freddy a un beau pull rayé et un joli chapeau. Humanisant.