Le Ruban blanc est comme un retour dans le temps, un retour aux origines du mal : Michael Haneke dresse la vie des habitants d’un village de l’Allemagne du Nord à l’aube de la première guerre mondiale. Tout commence par la chute du médecin, qui tombe de cheval. Il ne s’agit pas d’un accident, mais bien d’un acte prémédité : un câble invisible a été tendu dans le champ. Les catastrophes, dès lors, n’auront de cesse de s’enchaîner : enfants kidnappés, retrouvés battus sous la forme d’un rituel punitif, champs saccagés. Dans ce monde d’adultes conservateurs et d’enfants aux visages d’ange, qui a bien pu commettre l’impensable ?

Accompagné de la voix off de l’instituteur (personnage bien laid de l'extérieur, mais pur à l'intérieur, naïf et innocent) le spectateur est confronté à une enquête latente, qui laisse la place centrale au portrait de plusieurs familles dont les origines sociales divergent (aristocratie, notables, paysannerie), mais toujours confrontés à l’éducation complexe de leurs enfants.
Du côté des parents, comme du côté des enfants, une question brûle chaque plan : où trouver la pureté ? Comment la positionner en faveur des parents, l’un violeur, l’autre attachant son fils chaque soir dans son lit pour lui éviter les péchés de la chair ? Comment donner la pureté à un beau visage d’enfant, quand, dans le malaise, peu à peu, les suspicions les concernent tout autant ? La figure du jeune instituteur, et celle du couple frais et timide qu’il forme avec une jeune nourrice tranchent avec le paysage ambiant, grisâtre.

Le Ruban blanc est aussi une course lente vers la pureté du cinéma. La mise en scène, austère, choisit le noir et blanc et l’absence presque totale de plans en mouvement. Les longs plans fixes s’enchainent, jouant sur le champ et le hors champ, le premier plan et l’arrière plan. Les discussions, rythmées par le champ contre-champ brillent par leur sobriété limpide. L’immersion du spectateur est totale, le souffle lent, comme s’il suivait la longue respiration des plans séquences.

Et le ruban blanc, qu’est-ce que c’est ?
C’est dans le film un système d’éducation dont se sert le pasteur pour rappeler à ses enfants qu’ils doivent incarner la pureté. S’ils ont mal agi, ils doivent porter autour du poignet un ruban blanc en souvenir de l’idéal qu’ils doivent viser : le bien, l’innocence.
Paradoxalement, le ruban blanc est donc la marque d’une certaine impureté.

Mon avis sur Le Ruban Blanc : 8/10
Le Ruban blanc n’est pas un divertissement et par là-même il s’adresse (et surtout plaira, hélas), à un cercle restreint de spectateurs. Pourtant, le film brille par ses qualités : scénario brillant et malsain, jeu d’acteur juste et émouvant, mise en scène épurée et lumineuse.
Comme Funny Games US, Le Ruban blanc est une expérience plutôt qu’un visionnage cinématographique plus classique.

Si vous appréciez les films de Michael Haneke, la cinémathèque française propose en ce moment une rétrospective consacrée à tous ses films, jusqu’au 21 novembre.

Bande annonce, Le Ruban blanc, Michael Haneke