En Afrique du Sud, le peuple est en ébullition : Mandela vient d’être élu, une nouvelle ère commence, avec, pour le président, un travail titanesque. Mandela doit pouvoir réaliser les désirs des noirs sans pour autant accentuer les peurs des blancs.
C’est dans le microcosme de la garde rapprochée du président que le spectateur découvre un peuple scindé : les gardes du corps noirs rechignent à accepter dans leur équipe ceux qu’ils considèrent encore comme leurs ennemis.
Le discours du président semble impossible à tenir : il faut pardonner, et ne pas céder à la vengeance.
Mais comment gouverner deux groupes si différents ? L’un appelle son président Madiba, l’autre Mr le Président. L’un préfère le rugby, l’autre le football puisque les Springboks sont un symbole resté vivant de l’apartheid.

L’une des réponses que donnera Mandela, pour fédérer, c’est le rugby et la coupe du monde. Il rencontre alors le capitaine de l’équipe un an avant la compétition et participera au management de leur préparation jusqu’au tournoi.
Entre les deux capitaines, le courant passe. Le but est commun : servir l’Afrique du Sud.
Visionnaire, Mandela comprend que le sport, fédérateur pour une nation, peut être plus important que des affaires politiques.

Comme pour ''Gran Torino", Clint Eastwood excelle dans le portrait qu’il fait des anciens. Marqué par la vie et le temps, Mandela est comme le prolongement de Walt Kowalski.
L’itinéraire de ce dernier, christique, le menait du racisme au don de soi. Mandela, c’est la renaissance du sage, la septième vie.
L’Histoire et les histoires interagissent, avec à chaque fois des sentiments très forts pour ces personnages confrontés à la solitude.
Le jeu de Morgan Freeman est époustouflant : il respire la sagesse, le calme, et plus qu’un chef d’Etat, incarne un guide, un philosophe, un émerveillement.

Le portrait est simple, touchant, sans fioritures. Clint Eastwood propose avec Invictus un cinéma simple et épuré, dans lequel chaque plan touche à son but émotionnel. Invictus fait sens. Dans la simplicité la profondeur s’éveille.

Spécialiste des émotions, Clint Eastwood manie la peur du spectateur avec brio : à plusieurs reprises, la musique et l’atmosphère de certaines scènes laissent penser à un danger. Mais Invictus est résolument optimiste : « n’ayez pas peur, semble nous murmurer l’auteur après coup, il est des scènes, quelquefois, où les signes sont trompeurs, mais nul besoin de s’inquiéter ».
Le passage du point de vue paranoïaque des gardes du corps à la sagesse radicale de Mandela, ce sont autant de passes d’un joueur à l’autre, sur le terrain du jeu politique.
Sur l’herbe, les passes s’enchainent elle aussi, pour raconter un bel exploit humain : la victoire d’une équipe que tous les pronostics donnaient perdants et dont l’entrainement a été intense et original, l’une des missions étant de rendre visite aux enfants des townships pour leur apprendre les bases du rugby et faire naitre chez eux un intérêt pour l’équipe de leur pays qu’ils n’avaient jusqu’alors jamais supportée.


Mon avis sur Invictus : 9/10
Invictus est un film sur le rugby et la réconciliation, avec au centre l’un des hommes les plus importants du XXème siècle : Mandela.
Le contenu historique et politique n’omet pourtant pas la poésie (le poème Invictus, magnifique, est récité d’une voix si émouvante qu’il donne instantanément les larmes aux yeux), une bo magnifique, qui mêle à des musiques internationales, des chants sud-africains et une émotion sans cesse palpable.


Bande annonce Invictus de Clint Eastwood



Sur Une Semaine un Chapitre, vous pouvez aussi consulter la BO ''Invictus''.


J'ai décidé de faire un petit ajout à ce billet en vous proposant ci-dessous l'intégralité du poème Invictus qui symbolise dans le film la ténacité et le courage de Mandela.
Le poème "Invictus"a été composé par William Ernest Henley en 1875. L'écrivain venait d'être amputé du pied et pour montrer son courage, écrivit ce poème.

Out of the night that covers me,
Black as the pit from pole to pole,
I thank whatever gods may be
For my unconquerable soul.

In the fell clutch of circumstance
I have not winced nor cried aloud.
Under the bludgeonings of chance
My head is bloody, but unbow'd.

Beyond this place of wrath and tears
Looms but the Horror of the shade,
And yet the menace of the years
Finds and shall find me unafraid.

It matters not how strait the gate,
How charged with punishments the scroll,
I am the master of my fate
I am the captain of my soul.