Ce conte fantasmatique, on ne peut plus assumé, donne la part belle à un monstre étrange, le double de Gainsbourg, dont la tête après avoir enflé laisse éclore la caricature du chanteur. Ce monstre aux longs doigts et au nez aussi long que Pinocchio amène mystère et drôlerie. Chez Juliette Gréco, le ménage à trois commence, avec un Gainsbourg au piano et son double monstrueux qui danse avec la belle. Gainsbourg, vie héroïque, s’attache à transposer en images les délires d’un artiste doté d’une imagination surabondante.

Très tôt initié au piano par son père pianiste, Gainsbourg aime dessiner, et comme les adultes, il préfère les modèles féminins aux statues pour enfants et les dessins qui mettent en relief les attributs des femmes sur les cahiers d’écolier. L’insertion du monde de la BD dans le générique s’explique à posteriori, incluant dans un film dédié à la musique un désir de peinture, réglé par la même envie d’impertinence.

Le biopic n’échappe jamais à la comparaison entre l’acteur et la personne qu’il incarne. Dans Gainsbourg, vie héroïque, Eric Elmosnino a tout bon : regards habités et coquins, gestuelle de la main et de la cigarette, airs provocateurs, sans compter l’interprétation de certaines des chansons…
A l’origine, le travail sur la ressemblance physique était loin d’être d’importance, puisque la première idée de Joann Sfar avait été de proposer le rôle de Gainsbourg à sa fille Charlotte Gainsbourg.

Au niveau musical, Gainsbourg, vie héroïque propose une bo riche et sympathique, qui fait le choix de privilégier des morceaux peut-être moins connus, comme « Comic Strip », en occultant Brigitte Bardot et sa fameuse « Harley Davidson », ou encore France Gall et « Les sucettes à l’anis ».

Gainsbourg, vie héroïque, est enfin bercé par de courts retours à l’enfance où Serge (Lucien de son vrai prénom), marche seul sur la plage ou en compagnie de son premier amour : son premier modèle. Le choix de la linéarité du récit, associée à ces brefs flashbacks, donne à Gainsbourg un second double, plus rassurant cette fois, qui apparaît comme un remède à ce monstre intérieur qui le suit partout.


Mon avis sur Gainsbourg (vie héroïque) : 8/10
Le traitement fantasque et audacieux est rafraichissant et colle à l’image que le spectateur peut se faire du chanteur. Mais le film laisse en chemin l’émotion : les jeunes femmes défilent comme les métros à 8 heures et Gainsbourg reste opaque, conservant systématiquement une distance avec la caméra. J’aurais rêvé d’un regard caméra à la Monika de Bergman.


Bande annonce, Gainsbourg, vie héroïque, Joann Sfar



Vous pouvez aussi écouter sur une semaine un chapitre la bo Gainsbourg.