Le début du texte laisse perplexe : les références à la psychanalyse s’enchainent, à la pelle, si bien qu’on est tenté de penser au célèbre Psychanalyse des contes de fée, puisque chaque jour passé avec son père, le livre dans sa chambre change, comme par magie : La Belle au bois dormant, Blanche Neige et les sept nains, Cendrillon, le Petit Poucet, Le Petit chaperon rouge, La Petite sirène, La Petite fille aux allumettes. Tout y passe. A la longue, une impression domine : celle d’assister à un étalage de contes et de connaissances psychanalytiques, sans trop en comprendre l’exacte fonction et l’exacte fin.
Etrangement, les insertions du conte donnent à la fois au roman sa légèreté et sa lourdeur. Les extraits de contes sont comme des extraits d’enfance. Est-ce pour cela que le récit paraît un peu compliqué ? Est-ce parce que le lecteur, soumis à ces phrases du passé, redevient celui qui sent, mais sans comprendre ?
Le mélange entre rêve et réalité achève de complexifier le récit. Le réel est un rêve, le rêve est tout aussi réel. Dans cette buée vaporeuse de souvenirs et d’imaginaire, des thèmes classiques et forts sont abordés : la mort des êtres chers, le désir de ne jamais avoir d’enfant, ces sensations contradictoires à propos de l’enfance qu’on n’a pas voulu quitter et qui pourtant s’en est allée.

Dans ce dialogue entre la fille et son père, ma préférence va au père, Roland : mystérieux et fantomatique, beau et étrange, sa présence construit le livre, et l’espace entier de la maison. Il y a aussi cette vieille femme dont l’héroïne ne peut voir le visage et qui disparaît si l’on s’avise d’allumer la lumière. Il y a encore cette petite fille, au parler franc et presque adulte, qui, un court moment, fait naitre jalousie et tristesse dans le cœur de l’héroïne. Toute cette atmosphère entre opacité et transparence, vie et mort, Nathalie Rheims la dépeint avec poésie et savoir-faire.

Désobéir, c’est ce qu’elle n’a jamais fait. L’itinéraire du chemin des sortilèges l’y pousse, pour qu’elle se délivre des morts et des nombreux deuils, sans doute. De sortilège, il n’y en a pas vraiment, ou peut-être ce temps, implacable, qui ne laisse aucun espoir de retour. Le Chemin des contes était un titre sans doute plus approprié, d’autant que chaque jour, c’est un nouveau livre qui est cité et permet à l’héroïne un voyage vers l’acceptation du temps.

L’écriture est simple, légère, mais le grand nombre de références et les strates de temps et d’espace qui perturbent la narration peuvent la rendre ardue.
Le Chemin des sortilèges fait partie de ces livres où le lecteur doit accepter de ne trouver ce qui régit l’ensemble qu’à la toute dernière page. C’est peut-être ici que se situe le sortilège, chez un lecteur prisonnier, jusqu’au dernier moment et écarté de l’ultime pièce du puzzle. Conséquence de cette dernière page : Le chemin des sortilèges est de ces livres qu’on relie, avec le goût de la connaissance et du déjà vu, et, étrangement, un plaisir sans doute plus grand que celui de la première lecture.


Le Chemin des sortilèges de Nathalie Rheims est disponible aux éditions Léo Scheer.
Il fait 180 pages.