Merde resplendit : quel est cet être à la barbe rousse, habillé de vert, vivant dans les égouts, qui terrorise les passants dans la rue ? Un Jésus des temps modernes comme certains plans sur son visage le laisseraient penser ? Un fou criminel ? Comment un homme qui mange des fleurs peut-il tuer des gens ?
Et les médias s’en mêlent : le fait divers a pris possession des écrans et des esprits : il y a les pro-Merde et les anti-Merde qui manifestent dans la rue. Beaucoup d’humour, un large bol d’absurde, pour une scène anthologique de procès ! Un avocat français, suspect tant sa ressemblance avec Merde est frappante, défend celui-ci auprès de la cour en traduisant ses mots. Car Merde parle une autre langue, une langue entre la parole et le geste, amour et colère. Dualité, double, disparition, incompréhension : Merde de Léos Carax est un petit bijou. Noir.

Dans Interior Design de Michel Gondry, le spectateur retrouve les préoccupations essentielles d’un réalisateur pour qui le cinéma est avant tout une matière malléable (La Science des rêves, Be kind rewind) : un jeune couple débarque dans le minuscule appartement d’une amie de la jeune fille. Il est réalisateur d’un film entre fantastique et science fiction, où les femmes mettent au monde des lapins. Elle n’a pas d’ambition. Lui triomphe : emballages parfaits, projection du film réussi et concept apprécié (faire entrer les gens dans le film en projetant de la fumée dans la salle). Mais ce n’est pas son histoire qui nous intéresse. Car sa compagne, un matin, amorce une étrange métamorphose...
Michel Gondry mêle habilement la recherche d’un appartement qui ne soit pas crasseux et minuscule à la découverte, par un inconnu, d’une chaise…
Interior Design est comme le début d’un conte de fée : mélancolie et métamorphose s’assemblent. Au spectateur de trouver la fin.

Shaking Tokyo de Joon-ho Bong est plus en retrait, comme son personnage principal : un hikikomori, c’est à dire un homme qui vit enfermé chez lui en évitant tout contact avec le monde extérieur et les hommes. L’évanouissement de la livreuse de pizza à la suite d’une secousse sismique met sens dessus dessous le monde solitaire de cet homme. Les secousses sismiques sont-elles les battements de cœur d’un homme amoureux ?
Joon-ho Bong livre ici au spectateur une histoire poétique et lumineuse, un retour à la vie qui aurait pu être avancé : les premières minutes du film, avec la voix off du hikikomori qui déambule chez lui, dort chez lui, sont trop lentes et contemplatives, après Interior Design et Merde, pour que le spectateur garde tout son dynamisme.

Note : 8,5/10
Pour l’inventivité, l'humour et le jeu avec les codes du fantastique.