Autant le dire, Ben Carson a mis les pieds là où il ne fallait pas : il reste du Mayflower des enfilades de couloirs et de pièces en ruines, un charme délabré et suintant d’où émergent ça et là de vieux mannequins à demi-calcinés, aux allures de demi-morts, et des miroirs. D’étranges miroirs qui gardent votre image, même quand vous n’êtes plus face à la glace.

L’idée de départ d'Alexandre Aja est excellente : et si c’étaient les miroirs qui nous regardaient ? Le générique, tout en symétrie, laisse présager un traitement de l’image méticuleux et double : frissonnant.
Le miroir, c’est aussi deux dangers : soi-même, et cet autre, terré à l’intérieur, qui peut se libérer à tout instant. Avoir doublement peur, c’est donc ce que le scénario peut laisser penser. Erreur.

La peur est elle-même égorgée lors de scènes gores tout à fait gratuites, qui auraient largement pu faire interdire Mirrors aux moins de 16 ans.
La musique, de son coté, fendille ce qu’il reste de terreur : souvent guerrière ou évocatrice de fin du monde, elle convient mal à l’atmosphère visuelle du film, magnifiquement éprouvante et aquatique.
Enfin, la peur déjà bien malmenée manque de se noyer à plusieurs reprises, la faute à un scénario trop explicatif et compliqué : si je vous dis que l’une des responsables du déchainement meurtrier des miroirs est une fillette schizophrène devenue bonne sœur, vous êtes encore loin de tout savoir.

Saint Augustin, priez pour nous, pour Ben Carson aussi, un peu disciple à sa manière quand il s’agit de faire croire à sa femme qu’il y a un monstre derrière les miroirs et qu’il faut donc protéger les enfants. La peur du père laisse place à une scène très drôle où ses enfants, incrédules, le regardent vider la maison des miroirs et peindre ceux qui ne peuvent pas être déplacés.

La toute fin de Mirrors annonce le retour de la peur : son pouvoir évocateur fait froid dans le dos. Et si une trace de main était plus effrayante qu’un jet de sang vermeil ?