Emile, bleu, rouge, orange, remercie l’infirmière pour son tact et empoche les bandes de gaze, les pansements. Il n’a qu’une envie, c’est de rentrer chez lui pour enfoncer ses deux pieds dans ses deux chaussons, boire un léger verre d’alcool, et panser sa plaie dans une solitude agréable. La première tentative de guérison avait lamentablement échoué : Emile, grand connaisseur en écriture, avait tenté d’enduire le rouge luisant d’une épaisse couche de typex. Comprenant qu’il s’agissait là de son passé, il avait ensuite déchiré les pages raturées. Là encore, rien ne s’était produit si ce n’est une sensation de légèreté spirituelle ; un oubli de la scène de folie, de quelques détails ou secondes, dont il ne voulait plus rien savoir.
Les enveloppes continuent de s’amonceler. Emile les laisse ; il arrivera bien un jour où le harcèlement cessera, et là, il pourra s’en aller, enfin. Dans les journaux, les annonces extra-lucides l’intéressent. Il lit avec application les qualificatifs attribués à des voyantes, toujours représentées avec la générosité où il faut. Les dons divinatoires regorgent dans la presse. Emile se plait à entourer les annonces les plus alléchantes ; il pense avec fierté et vanité, qu’une histoire aussi mystérieuse que la sienne, s’avère bijou inestimable pour n’importe laquelle des entremetteuses du destin. Finalement, c’est sur la belle Adella, aux charmes envoûtants d’intuition, qu’Emile jette son dévolu. L’adresse, en forme d’impasse, lui plait. Il a comme l’impression d’arriver au bout d’un long chemin épistolaire privé de mots.