je vous prie d’accepter de conserver mes lettres aujourd’hui le 26 janvier, et ceci pour de graves raisons familiales. Ne parlons plus jamais de ce service si toutefois vous désirer me le rendre. Résolument, monsieur Fisagel. »
Emile colle à sa boite aux lettres le message, et part travailler, l’esprit tranquille. Cela fait bien deux mois qu’il attend, enfin, de rentrer chez lui normalement, sans crainte de prendre son courrier, sans trembler, et sans porter pendant quelques mètres un amas informe de blanc cacheté. Il sent qu’une fois le soir passé, une nouvelle vie va commencer, sans les maudites enveloppes.
Quant au facteur, il sent là quelque chose de fumant, ainsi, n’hésite-t-il pas à satisfaire Monsieur Emile Fisagel. De retour chez lui, face à cet étrange butin, il décachette lentement, le cœur battant, la première enveloppe de la pile. A l’intérieur, une petite carte, résolument pure et sans volonté d’identification, porte ces mots : « Je t’attends ». Les suivantes cachent de nouvelles phrases, diverses, toujours très courtes. Les mots d’amour tournent dans la tête du facteur. « A toi », « je t’aime », « viens demain », « toi, mon rêve ». Le facteur chancelle. Qui est ce monsieur Fisagel pour ignorer tant de mots doux, et de preuves d’amour passionnel ? Malgré la demande explicite de n’en pas reparler, le facteur sent qu’il ne pourra pas s’empêcher d’ouvrir les yeux à un homme tant aimé. Le lendemain, il glisse dans la boite aux lettres de Monsieur Fisagel, les mots suivants : « Monsieur, cet être, quel qu’il soit, vous aime. »