John Bonhomme, héros étatique et insulaire conserve depuis son séjour en France un vague amour des escargots. Il les décortique, assis sur le sable doré du désert, à la lueur d’un immense feu de camp. Johanna, à ses cotés, tente vainement de faire sécher son jean trempé. Elle a, collé aux jambes, tout un échantillon de grains de sable dont elle a très peur. S’ils ne partaient jamais ? Heureusement, ils s’en vont : il suffit d’un petit coup de main, et le vêtement naturel disparait. Les grains, étincelants, s’envolent dans le noir, virevoltant quelques instants, comme si les étoiles étaient descendues du ciel. "Qu'il fait froid" pense Johanna en soupirant.
Soudain, un bruit vient de cet horizon invisible. John, aux aguets, a déjà son pistolet pointé vers la nuit.
- Qui est là ?
Personne ne répond. Johanna, physiquement plus exposée de par son absence de décence vestimentaire, se réfugie encore plus près du feu. John, déconcentré, perd le fil de ses visées pour s’occuper de cette fille-fils si naïve.
- Mais recule-toi enfin, tu vas être brûlée au moindre coup de vent !
Trop Tard. Ces quelques mots sont de trop. L’homme est là, déjà, le pistolet pointé. Il porte un épais jean, ceinturé assez bas, un manteau de cuir et de fourrures qui descend jusqu’à ses chevilles, une barbe de plusieurs jours et des yeux d’or. En y réfléchissant, cet homme posté là, debout, éclairé par les flammes rougeoyantes, a un charme si particulier et si juste que John est soumis par cet inconnu à une rude concurrence. Ce sont les yeux bleus du héros légendaire dont la beauté se bat en ce moment avec les yeux d’or. Ce sont les deux chemises rayées qui, à cet instant, semblent vouloir se déchirer mutuellement dans une valse guerrière. Ce sont les cheveux courts et bruns de John qui, pour toujours, voudraient saisir la blondeur de cet homme si beau, et la teinter de noir pour trouver une raison d’en finir, une raison de le tuer. Mais le regard est le même. Coloré différemment et pourtant identique, si bien que cet échange œil contre œil éveille en John une curieuse empathie envers cet inconnu, comme s’il s’agissait d’un fils ou d’un frère plutôt que d’un ennemi redoutable.
Johanna, rouge de plaisir à la vue de cette beauté âpre et vierge, en laisse tomber son pantalon dans le sable. A ce seul bruit, à ce seul mouvement, l’homme dégaine, et tire. Simple réflexe.
Johanna pousse un cri terrifié. Un cri terrifiant.