Au bout d’un mois et demi, Johanna commençait à se sentir croupir dans la riche demeure de Mac. Elle avait tous les droits et toutes les libertés dans l’enceinte de l’immense propriété mais cela ne l’amusait plus. Une allergie à la soie s’était déclarée récemment et comme Johanna l’expliquait en criant, la coupe était pleine. On s’empressait d’en remplir de nouvelles, espérant qu’elle en oublie la mauvaise.
Mac, quant à lui, voyait diminuer son intérêt pour la petite prisonnière. Elle avait grossi, à force de glaces et de gâteaux à toute heure du jour et décrétait avec beaucoup d’idiotie qu’elle voulait que les tigres deviennent des jouets. Des câlins félins, voilà ce qu’elle voulait, mais sans Mac, qui la répugnait dès qu’il s’approchait au-delà d’un mètre. Depuis plusieurs jours déjà, en fin propriétaire, il avait remarqué d’étranges trous disséminés un peu partout dans son palais. Cette découverte n’avait de cesse de l’intriguer, et en lui se dessinait le projet d’en finir avec cette affreuse jeune fille qui, depuis qu’elle était là, mettait en danger toutes ses possessions. Ses chemises roses le répugnaient désormais, et, un jour, Mac eut la grande audace de se présenter à Johanna en chemise blanche.
Celle-ci ne dit mot au début, et Mac, dans le désir d’en savoir plus, décide alors de la faire parler.
- Tu fais ce que tu veux, se borgne à dire Johanna, c’est toi qui décide.
Et l’intonation de sa voix dessine un début de rage, un esprit tout à fait vexé, que Mac, ignorant tout des femmes, n’avait encore jamais soupçonné.
- Je ne veux plus te voir. Pars, continue la jeune fille.
Alors Mac s’en va, assez fier de lui, en laissant Johanna bouillonnante intérieurement.
- On va t’aider, nous, entend-elle alors.
- Oh, encore vous… dit Johanna d’une voix languissante.
- Tu n’as qu’à demander, et tes tunnels seront faits. Tu peux partir ce soir, tout sera déjà prêt. Nous n’attendons qu’un ordre.
Johanna fait mine de réfléchir un peu, avant de demander :
- Suis-je votre reine ?
L’étrange bête de toutes les couleurs répond alors en ces termes :
- Non, mademoiselle, mais nous vous appartenons.
- Si je suis votre reine, j’accepte de partir.
Alors, cette espèce de grosse limace arc-en-ciel (je parle bien sûr de l’étrange bête), porte-parole de ses confrères auprès de Johanna depuis son enlèvement, acquiesce.
- Vous êtes un peuple bien bas, décidemment, dit alors Johanna. S’abaisser comme ça, aussi vite, sans discuter. Enfin, ça me convient. Dépêchez-vous, j’ai un peu envie de partir. La liberté me manque et ces foutues robes me serrent, me grattent. Je veux des pantalons, je veux mon pistolet, je veux vraiment beaucoup de choses, et j’ai déjà tout pris ici, ça devient embêtant, ennuyeux, assommant, et ces tigres qu’ils veulent mal dresser, quand ce sont de si gentilles bêtes… Non, cet endroit est bien ridicule : j’en ai assez.
Johanna se penche alors vers l’endroit où la limace se balançait de gauche à droite, attendant avec une certaine impatience un acquiescement quelconque. Mais l’insecte est parti, et la jeune fille, seule dans sa chambre désaccordée, regarde encore un peu l’affreux assemblage du mobilier, en respirant sereinement, soudain portée par un désir d’évasion grandissant, et un désir de retrouver JB, qu’il soit son père ou non, et s’il est resté beau.