Le scénario de La Piel que habito commence simplement et se complexifie - à la perfection - au fil du film : des flashbacks de différentes époques laissent peu à peu apparaître au grand jour le passé des personnages, pour conduire à une apothéose scénaristique et émotionnelle avec une révélation absolument stupéfiante.
Du côté des acteurs, c'est le presque sans faute. Antonio Banderas et Elena Anaya sont bluffants, et des personnages secondaires comme la maman (Marisa Paredes) ne connaissent aucune fausse note.

A l'écran, les plans sont pensés, travaillés, et beaux. Almodovar interroge les textures, de la même manière que son personnage principal.
Le jeu de l'écran dans l'écran où la femme est objet, et les gros plans sur les visages de ses acteurs/personnages, interroge le cinéma et en même temps crée une proximité avec les personnages, le tout sur une musique instrumentale construite sur le suspense ("Shades of marble" de Trentemoller) ou au contraire une mélodie romantique avec la chanson "Necessito amor" interprétée dans le film par Buika.

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Le film aborde de nombreuses thématiques : la folie (visible ou cachée), le deuil, la science en confrontation avec l'éthique, l'intériorité de l'être et l'amour.
Mais c'est surtout l'appropriation du mythe de Frankenstein et du couple créateur/créature qui définit La Piel que habito et permet une explication du film. Robert est le créateur et Vera la créature, qui va tenter de se soustraire à l'autorité de son créateur.

Etrangement, dans La Piel que habito, le style d'Almodovar cohabite furtivement avec des références quasi-parodiques à Kubrick (Eyes Wide Shut, Orange mécanique), qui ôtent une partie de la finesse du film. Voir débarquer un fils habillé en tigre et qui décide de violer une femme n'est vraiment pas la plus belle scène de La Piel que habito.

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Mon avis sur La Piel que habito de Pedro Almodovar : 9/10
Hormis un manque de finesse dans certaines séquences, La Piel que habito est un film qui mérite d'être vu : scénario haletant, jusqu'à la découverte de ce qu'on appellera le pot aux roses, acteurs sensationnels, mise en scène de virtuose et atmosphère malsaine envoûtante. Almodovar revisite le mythe de Frankenstein avec ses propres outils esthétiques et scénaristiques.


Bande annonce La Piel que habito de Pedro Almodovar