Les points communs entre ces deux films ne s’arrêtent pas là. Louis Garrel, qui joue le professeur Nemours, Grégoire Leprince Ringuet qui incarne Otto, un lycéen calme et sensible, ou encore Alice Butaud qui joue cette fois-ci un professeur de russe, faisaient tous partie du casting des Chansons d’amour.
Alex Beaupain s’occupe encore de la musique et des chansons, qui ramènent le spectateur, une fois encore, au film précédent.
Le choix de longs gros plans sur les visages, ou encore le Paris mélancolique et gris, s’ajoutent à cette longue liste des ressemblances, peut-être bien trop longue.

Les deux films se ressemblent, et sont la démonstration même du talent de réalisateur de Christophe Honoré : une équipe qu’il apprécie, des thèmes et des choix de plans particuliers, une magie atmosphérique et mélancolique. Dans cette bulle de création à la rondeur parfaite, tout spectateur peut-il entrer ? Pas sûr.
D’autant que La belle personne est une adaptation de La Princesse de Clèves de Mme De Lafayette dans un lycée du XXème siècle. Une idée qui plaira aux amateurs de littérature, nécessairement, mais aux autres ?
Le duc de Nemours se retrouve donc professeur d’italien, la princesse de Clèves devient Junie, une lycéenne qui vient de changer d’établissement (Léa Seydoux) et Otto joue le rôle du Prince de Clèves.
De ce trio amoureux, au XVII ème siècle comme au XXème siècle, il ne peut rien venir de bon.

L’émotion, poignante et prégnante, se retrouve à chaque coin de rue et dans chaque salle de classe. Etudier les visages de ses acteurs, filmer leurs émotions durant de longues secondes, c’est ce que Christophe Honoré réussit le mieux.
Il n’est pas question d’action, mais plutôt de quelques événements, bien souvent anodins, quelquefois tragiques, qui ne servent, là encore, qu’à faire naitre l’émotion. Il est question, aussi, d’événements qui n’arrivent jamais : le voyage en Italie, par exemple.
Une scène dans le lycée rappelle Elephant de Gus Van Sant, dans un travelling avant sur Otto qui avance, un sac noir à la main. Mais dans le cinéma français, c’est l’arme qui se retourne contre celui qui la tient, à chaque fois. Une arme qui n’a pas besoin de munitions. La mélancolie et la détresse se terminent alors autrement, silencieusement, solitairement.

Evidemment, le comportement des personnages peut déplaire : de l’apathie quelquefois, un dynamisme bruyant et souvent stérile ailleurs. Mais n’est-ce pas ça l’adolescence ? Et cela ne contrebalance-t-il pas ce qui a pu être reproché à Christophe Honoré, à savoir, le choix de prendre pour jouer le rôle d'adolescents des acteurs bien plus vieux ?

La Belle personne reste un film à voir en période d'optimisme. Le traitement de la mort est presque aussi froid, inattendu et obsédant que dans Les Chansons d’amour. Ismael chantait, Junie avance et regarde, avec les autres autour, mais seule. Seule.
S’il y a un espoir, il se situe dans le voyage en solitaire vers un parent que l’on ne connaît pas vraiment, ou dans l’homosexualité comme renaissance et épanouissement : deux ailleurs qui ne révèlent pas leur dénouement, qu'il soit heureux ou non.