Mais, L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford ne garde de l’épopée que cette longueur… Quel est le but du personnage paradoxal que joue Brad Pitt ; père aimant pour ses enfants mais n’hésitant pas à brutaliser un jeune garçon, instigateur du pillage des trains et de ses propres larmes ? Il semble ne pas y en avoir. Pas de quête… Si Jesse James voyage, c’est vers nulle part, vers nulle action. Il n’y a bientôt plus d’attaque de train, le pillage éventuel de la banque ne semble qu’une lointaine hypothèse, une parole prononcée, tout au plus. L’originalité du film s’avance, lentement : le genre du western, emblème par excellence de l’action, joue cette fois-ci dans le monde des pensées et du temps, un peu comme si le cinéma moderne s’était faufilé dans ce genre pour ne garder de l’action qu’un seul mot : la trahison. Dans ce monde, l’homme tue et cache le cadavre en le livrant à la neige. Dans ce monde, l’homme tire dans le dos et s’enfuit. Il n’y a pas un des deux personnages qui ne soit un antihéros. Et pourtant, le spectateur prend parti, pour Jesse James. Car qui est ce Robert épuisant de discours, traitre et lâche ? Qui est cet homme propre sur lui, dont même les vêtements le rendent étranger à l’espace diégétique ? La trahison, c’est celle-ci aussi : le reniement des habits de l’ouest pour celui de la ville, de l’autorité, de l’est.
Alors, évidemment, on ne ressent pas grand-chose, pas d’empathie du moins. Le ton du film, le plus souvent, est neutre. Neutre comme les épis de blé ou ce lac glacé et transparent, miroir dans lequel Jesse James se regarde et voit la mort. Le film fait de lui une figure à la fois douce et brutale, réflexive souvent, si bien que ses meurtres fondent comme neige au soleil : le spectateur les oublie, clément. Car la mise en scène, elle aussi, le préserve, jusqu’à lui donner une dimension céleste, royale : c’est cette image de galop vers le soleil, dans le soleil, ou encore cette blancheur du visage et de la chemise, la nuit, qui s’avance lentement vers la proie qui va mourir. Si Jesse James est voué à la gloire, Robert et son frère Charley sont voués à l’enfer : celui de répéter, chaque soir, l’assassinat de cet homme légendaire. Charley, il joue le rôle de Jesse James, et va jusqu’à craindre qu’un jour, sur cette scène de théâtre, la fausse balle ne devienne véritable, et le tue, sur le coup. Son jeu exagéré, la caricature du cri de veuve, en créant dans la mise en scène une autre mise en scène mettent en question les relations entre une légende et son exploitation dans les médias. L’intérêt pour le morbide de la part du spectateur de théâtre renvoie en écho à notre intérêt de spectateur pour un film qui, à la fois, dénonce à posteriori son existence comme mise en scène et illusion, et, en même temps, se dit être plus vrai que cette pièce de théâtre. Sans doute alors, les nombreux plans sur la nature, criants de vérité et de poésie, dictent la voie à suivre pour le spectateur : il s’agit de contempler. Et le western renait, par un regard qui n’attend plus qu’une action, mais des réflexions sur la beauté d’un temps prisonnier du passé, prisonnier des légendes, et par miracle, éternel.
23
oct.
L'Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford: un film de Andrew Dominik
Par Ariane le mardi, octobre 23 2007, 00:11 - Films à l'affiche
Premier constat : le titre est long. A l’image du film : plus de deux heures et demie. Un format d’épopée.
Vous aussi notez ce film !
5.8/10
- Note : 5.8
- Votes : 6
- Plus haute : 10
- Plus basse : 5
Commentaires
Je suis allé voir This is England, à la place de ce film, et je n'ai pas regretté ...
J'étais déjà assé intrigué par ce film, une petit envie de le voir, surtout quand je sais que les ricains, on reduit sa diffusion dans leur pays
Mais la tu m'a donné encore plus envie ! Me reste plus qu'a trouver un moment dans la semaine :p
Bouh.. quand je pense que j'étais dans mon lit quand tu m'as appelée pour me demander où j'étais.. alors que j'aurais du être avec toi pour aller voir ça... ouin...
Et j'ai beaucoup aimé This is England comme Tietie007^^ Pas très joyeux mais très intéressant... En revanche Ari, ne va pas voir Jane, je n'ai pas aimé du tout, c'est un film à l'eau de rose ça... Et j'ai retrouvé le titre du film que je suis allée voir hier!!! C'est Secret Sunshine!!! Je savais bien qu'il y avait du sun quelque part!
Et moi qui pensais que ce n'était qu'un film...
Tu as vraiment un oeil acéré, Ariane.
Ce film va me plaire
Ce n'est pas qu'un film, effectivement! C'est un western
Mais, bon, ça reste quand même un film!
Je ne suis pas sûre que tous les fans de ce genre sortent contents... C'est un film lent et poétique plutot qu'un film où les pistolets sont dégainés plus vite que la lumière. C'est d'ailleurs pour cela que je l'ai trouvé intéressant.
Tietie OO7 et Solène, vous parlez de This is England que je n'ai pas vu et d'après vos commentaires vous avez dû le trouver bien. J'irai peut-être, même si le dernier Annaud me taraude... Malgré toutes les critiques peu favorables...
C'est drôle, ayant vu le film, je trouve que ta description ne fait pas si envie que ça... Mais en fait c'est l'inverse !
Très bien, parce que je pense que ce film est tout à fait intéressant.
En l'absence de tout scénario convaincant, il arrive à n'être pas prévisible, pas vulgaire, pas trop répétitif... Et en plus il est très beau. Beau par la photographie. Beau aussi par son traitement des personnages, que je trouve admirable, par le jeu d'acteur, et même par l'inventivité extraordinaire qu'il faut pour enfanter d'un personnage comme Jesse ou surtout comme Bob.
Bob. Il ne t'a pas plu, Ariane. Peut-être parce qu'on ne le voit guère à cheval. Est-il un raté ? Est-il un homme abominable ? Est-il sain mentalement ? Pendant les 30 premières minutes de film, j'ai pensé : non. Et puis les repères basculent. Etait-il laid ou beau ? Etait il naïf et touchant, ou égoïste et stupide ? Je ne savais plus trop.
Je reconnais que la fin fait tache. C'est comme une pièce rapportée, une feuille de vigne peinte sur le zizi de Jesse : Jesse est mort, tué lâchement, mais il y a une moralité car le lâche meurt aussi. La fin nous jette dans le film hollywoodien, dans ce qu'il a de terriblement causal et moral. Ironie ? Si oui, de mauvais goût.
Vu le titre, qui laissait rêveur, et l'affiche, qui laissait aussi rêveur, on ne peut que trouver cette fin déplacée : Jesse est tué par "le lâche Robert Ford", un point, c'est tout. Sinon il aurait fallu appeler le film : "L'Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford et l'Assassinat subséquent de Robert Ford car tout est bien qui finit bien."
C'aurait été plus long.
A présent je propose que Jules Brès nous raconte ce qu'il a pensé de la fin du film...
J'ai vu le film avec une courgette amie. Je recommande le film à tous les amis des légumes.
Tu soulèves une question intéressante jérome: peut-on dire, aujourd'hui, que le film hollywoodien est moral? Si on prend en compte ce film là, oui et non: on nous fait adorer un meurtrier, mais finalement le meurtrier est puni puisqu'il meurt. Si on prend en compte les films hollywoodiens depuis quelques années, je ne pense pas qu'on puisse considérer qu'ils s'attachent tous à la moralité. Le dernier film de Jodie Foster, A vif, d'après ce que j'en ai lu, est complètement immoral... On peut en trouver d'autres. American History X est le premier qui me vient en tête. Depuis la fin du code Hays, le cinéma américain a pris des libertés, peu à peu. Maintenant, y aurait-il un retour à la moralité en ce moment? Peut-être, dans certains films.
En tout cas, je qualifierais l'assassinat de Jesse James par le lache Robert Ford de film immoral à dénouement moralo-immoral car le meurtre, quand même, n'est pas la bonne solution.
It does not follow that because we do not subsidize smoking, we should not regulate unhealthy activities. Costs and savings are not the only variable. The fact that obesity creates costs is merely an additional reason to regulate it, not the only one. The main reason is its danger to an individual.