- J’aimerais beaucoup y aller aussi, et je prendrais bien une glace, tu sais, celle de la dernière fois, avec de la rose et du champagne.
- C’est une bonne idée, tu as raison, répond Mac. Viens donc t’instruire et sonnons quelqu’un pour qu’il apporte une coupe de ce sorbet. Il fait bien chaud, oui, c’est ta beauté et ton intelligence mêlés, qui, sans doute, te donnent une perception si précise de la température de cette si belle journée. Que penses-tu de ma nouvelle chemise rose ? Elle est arrivée ce matin de Paris, et ma foi, je l’admire énormément.
- J’aime le rose, dit alors Johanna, et je suis charmée que tu m’ais promis de ne garder plus que cette couleur comme vêtement. C’est le plus beau cadeau que l’on m’ait jamais donné !
Et Mac, toujours éberlué par tant d’altruisme, se félicite d’avoir accepté par amour ce très léger remaniement de garde-robe.
Johanna se lève avec aisance, pare ses petits pieds de deux pantoufles magnifiques. Elle porte une robe d’un bleu nuit presque irréel, saupoudrée de perles nacrées. Sur ses longs cheveux, des dizaines de nœuds de toutes les couleurs. Elle sent la fleur de vanille et, par instant, une légère odeur de coco vaporeuse.
Cela fait maintenant un mois que Johanna a découvert la demeure du très riche Mac Visow. Elle en connaît les moindres recoins et s’étonne toujours de l’ameublement et des décorations qui changent au jour le jour. Dans sa garde-robe, Johanna a, lui semble-t-elle, toujours de nouvelles robes, toujours plus belles et soyeuses, toujours plus parfumées. Elle se laisse aller dans cette couveuse pour jeune fille emplumée et sans goût, où des rideaux violets côtoient des tapis rouges et des armoires en or. Mac Visow est vite tombé amoureux d’elle, il a suffi d’un pleur ou deux, d’un sourire qui éclaira ses yeux, et le tour était joué. Johanna avait dressé en quelques minutes le plus grand adversaire que John ait jamais eu. Et John, alors ? Johanna y pense de temps à autre, mais pas trop : à vrai dire, elle est mieux ici, dans ses robes et ses belles considérations de fille que sur une Capsule quelquefois méchante et toujours puante, avec un John quand même hargneux et inhumain. Tandis que là… Dans tous ces oreillers, ces coussins, ces regards doux de Mac Visow, gentleman dans l’âme, Johanna s’épanouit, devient plus capricieuse et se transforme en femme. A quelques kilomètres de là, John, depuis quelques heures, a battu son record personnel de chasse : très énervé par sa chaussure gauche un peu trouée et n’ayant pas de fil pour tout raccommoder (ni même de Johanna), il s’est attaqué spontanément à vingt hommes, trois cerfs, une centaine de poissons et deux mouches qui n’avaient rien demandé, car John, même s’il considère les chances de retrouver Johanna vivante bien faibles, ne peut s’empêcher de rester aux alentours de la demeure de Mac, à la recherche d’un indice qui pourrait le laisser espérer quelques retrouvailles avec celle qu’il considère comme son fils.
« Je lui ai tout appris, pense John avec force, elle sait tirer, elle est de mon sang, et j’ai comme dans l’idée qu’en ce moment même elle a déjà un plan, quelque chose de bien intelligent et rusé pour que je m’introduise incognito dans cette forteresse et qu’à deux, père et fils, nous réduisions en miette ce scélérat de Mac, et ses hommes, et ses bêtes ! »
Du temps. Pour John, tout résidait là. Alors il s’énervait, chassait, tuait, et dormait, l’oreille toujours attentive, espérant dans la nuit tombante et rêvant jusqu’au matin d’une légende qu’il n’écrirait plus seul.