Alors c’était sûrement bien mieux, bien sûr, que John ne sache jamais quel nom infâme portait sa belle jument. Un nom qui, d’ailleurs, expliquait tout à fait le caractère de Madame, capsule chaque jour que Dieu fait, maitresse en soubresauts et autres voltiges. Toujours est-il que John s’extasiait sur le caractère fougueux de ce compagnon devenu compagne : « une jument comme ça, mais ça vous bat tous les étalons du monde. Regardez-moi ce caractère ». Et John, qui n’est pas mauvais bougre, admettait alors qu’il en était de même pour les femmes, ce qui contentait Johanna plus que de raison. Monter sur Capsule, cela s’imposait donc, pour vérifier si John dormait ou non, et s’il dormait, transformer le terrain de tir en un joli tunnel. Ce fut chose simple, car Capsule, sentant que les intentions de Johanna étaient amusantes, n’opposa aucune résistance à ce que la jeune fille grimpe sur son dos. Et, en effet, John dormait.
La séance ramassage de balles commence. Johanna, très douée, se dit qu’elle aurait pu faire du tennis. Elle a, pense-t-elle, réuni à peu près toutes les munitions du coté du trou qu’a fait John, et il ne reste plus qu’à creuser quand du bruit se fait entendre. Johanna, terrifiée par l’idée que sa manœuvre peut être découverte d’un instant à l’autre accourt vers la petite cabane où John est sur le point de sortir. Ils se heurtent, et le regard effrayé de Johanna se pose sur les yeux étonnés de John. - Qu’y a-t-il ma fille ? demande-t-il.
Johanna, toujours la bouche ouverte comme un poisson qui manquerait d’air reste sans voix.
- Alors ? Alors ? Qu’y a-t-il dehors ?
Et Johanna de répondre :
- Un tigre. J’ai vu un tigre.
Alors John se met à rire, avant de prendre un visage très sérieux.
- Tu me mens. Il n’y a pas de tigres au milieu du désert américain.
- Je l’ai vu ! Je l’ai vu !
- Serait-ce alors Mac Visow qui met encore à mes trousses ses bêtes sauvages ?
- Des bêtes sauvages ? dit-elle très pale.
- Tout à fait, mais je pensais que Mac attendait que nous ayons traversé le désert pour lancer ses joujoux à nos trousses. Il est plus rapide que ce que je pensais !
La pauvre Johanna, prise à son propre jeu, chancelle, et feint un évanouissement, ne sachant plus que faire. John, la porte libre, s’élance alors dehors, sans une seconde de réflexion. Johanna, laissée seule allongée, reste là, immobile. Elle entend alors des cris de joie, et quelques instants plus tard, John la tient dans ses bras en la félicitant.
- Bravo, Bravo ma Johanna ! Tu as donc réussi le tunnel.
Et dehors, en effet, Johanna distingue le tunnel. Il lui semble, aussi, distinguer comme le matin, des grattements, des frottements, que John ne semble pas entendre. Qui vit sous terre ? Insectes ? Bêtes ? Pourquoi l’ont-ils aidée en creusant le tunnel ? Johanna aimerait se ressaisir, elle sent qu’elle va devenir folle si tout ça continue. Et John, lui, parle, sans trop s’arrêter.
- Ta prestation était magnifique. Je te pardonne ce tigre, et tu as dû le voir, j’en suis presque sûr, mais cela me préoccupe grandement. Prions pour que tu ais été la victime d’un mirage, c’est très possible ma Johanna, car je t’ai fait travaillé aux heures les plus chaudes, et cela ne m’étonnerait pas que tu ais une insolation, que tu tombes malade, et que je ne puisse pas te guérir avant d’avoir rallié la ville, et qu’arrivée en ville, tu meures, car tu es douce et belle et jeune et fragile. Je n’ai plus de balles. Il faut partir. Nous sommes à la merci des brigands, et même si je préférerais que tu périsses par leur main plutôt que par la maladie, il nous faut tout de même des munitions pour nous défendre !