Je n’ai jamais été une groupie, une fan : pas de concerts vus plusieurs fois (même pas une seule fois d’ailleurs dans la plupart des cas), des acteurs que j’apprécie, bien sûr, mais pas au point de voir tous leurs films ou de rêver d’eux. Alors David Lynch, c’est un peu mon ovni, mon exception. Le voir, c’était un rêve. Lui serrer la main, une chose à laquelle je n’avais même pas pensé… J’ai pourtant de l’imagination à revendre mais penser à David Lynch en France, devant moi, c’était bien plus impossible qu’assister à une manifestation pour la survie des extraterrestres ou à l’ouverture d’un magasin pour détritus radioactifs. Je voue depuis une grande admiration à Lyon et l’institut Lumières (oui, je le dis, la réunion à Paris était mal organisée et n’a laissée rentrer qu’une centaine de personnes). Deux billets pour Lyon le jour suivant, une attente de plusieurs heures en espérant accéder aux escaliers comme sièges (la salle était déjà complète), et, le bonheur… Voir David Lynch, voir son film en avant première, avec Alexis, et nos amis de la file d’attente (cinq heures à attendre dehors créent des liens)... Accrochez maintenant vos ceintures : flashback. J’ai rencontré David Lynch et Mulholland Drive en 2002 lors d’une projection intimiste entre Andréa, Juliette, Jérôme et moi un dimanche soir. Bien sûr, il n’était pas là en personne, mais dans ce genre d’œuvres, on perce toujours davantage la personnalité du réalisateur. Ce genre d’œuvres… Comment les définir ? Elles sont atypiques, souvent complexes, étranges. La poésie hermétique existe. Lynch a inventé un cinéma hermétique, sans pour autant (et c’est le grand exploit) se fermer au public… Il n’y a qu’une expérience à faire : regarder Mulholland Drive et suivre pendant deux heures une histoire qu’on ne comprend pas tout à fait, mais qu’on regarde, pourtant, et qui se termine si vite qu’on regrette, longtemps, qu’ elle n’ait pas duré encore, encore, et encore.
Ce film, mon préféré, correspond à l’exacte mise en image de ce que le cinéma représente pour moi : la mise en scène du rêve et de l’inconscient, le franchissement des tabous, la frontière toujours remodelée entre la vérité et le mensonge, le réel et l’imaginaire, là où l’esprit humain peut exister autrement que par la pensée. Il y a ici et là de la magie, et des sorcières, une pointe de fantastique, une dose de mystère, à dénouer tout seul, car David Lynch ne donne pas de solutions. S’il a ses précieuses « ideas », le public, lui, a ses interprétations. Il n’y a pas de solution, simplement des réponses, celles qui nous signifient, celles que nous désirons.
Mulholland Drive est donc un film ouvert, et libre. Son sens se dérobe, sans cesse, et revient, toujours un peu changé, toujours un peu mûri. Il suffit de regarder le film pour la première fois, puis de le regarder à nouveau : l’histoire n’est plus la même, pour la simple raison que dans ce film, les personnages sont aussi des écrivains et des metteurs en scène. Ils inventent. Leur vie. Ceux qu’ils aiment, leurs peurs. L’imagination se démultiplie, c’est l’actrice principale. La question se pose donc ainsi, et pour chacun : quelle est ma propre interprétation du film ? Comment, par exemple, comprendre qu’une tasse de café se transforme dans le plan suivant en un verre de whisky ? Pourquoi les mêmes personnages ont-ils plusieurs prénoms (le personnage que joue Naomi Watts par exemple, est successivement Betty puis Diane) ? Que penser de la scène au Club Silencio, complètement irréelle et inattendue ou de ce cow-boy aux manières mystérieuses? Pourquoi Betty passe-t-elle du bel appartement de sa tante à un appartement lugubre sans aucune explication ? Où est le rêve ? Où est la réalité ? Qui du rêve ou du réel n’est autre qu’un cauchemar ?
Et si l’on connait un peu le cinéma français des années soixante, Lynch prépare encore une jolie surprise que j’ai peut être extrapolée mais puisque toutes les interprétations sont possibles, j’en ai le droit… Dans Mulholland Drive, la première scène semble vraiment hermétique au départ, mais je crois avoir trouvé ses significations et surtout son origine. Dans "Le Mépris de Jean Luc Godard, une séquence se passe dans un cinéma, où des actrices et des acteurs marchent ou dansent sur un rythme assez similaire. Leurs ombres en arrière plan sont presque aussi importantes. Et si je vous dis que le dernier mot de ce film n’est autre que « Silencio », peut-être vous direz-vous que finalement, David Lynch connait effectivement Le mépris… Un clin d’œil à une œuvre antérieure pour ouvrir et clore un film… L’indice est là, déjà : Mulholland Drive'' parlera du cinéma, qu’il s’agisse de ces « films » que nous nous inventons en pensée ou de ceux, plus palpables, qui prennent vie sur un tournage et sur une pellicule. David Lynch, lui, sait rassembler les deux…
Commentaires
Moi, ma première fois avec David Lynch ct à Daniélou et je pensais que tu étais avec moi^^ mais apparamment, il n'y avait que nos anciennes et perdues "amies et camarades" de l'HK.
Et tu as oublié de citer ce film O combien fou et intriguant que l'on avait regardé il y a un an et demi avec tout plein de paquets de gateaux et de jus de fruits, que l'on avait descendus dans la journée :D ... ERASERHEAD!!! (on passera sur les raisons de cet empiffrage en duo^^)
Enfin... court métrage spécial dans lequel, si je ne m'abuse, un petit poulet cuisiné, se met à bouger ses pattes cuites dans l'assiette même du personnage principal... poulet dont finit par s'échapper un liquide bizarre d'ailleurs... sans oublier les serpents tout explosés et écrasés Oo...
Je me souviens tout à fait, mais je n'étais pas allée à la séance. Heureusement... Je ne me vois pas découvrir Lynch en prépa, à Daniélou... Trop d'amour pour trop de haine. Erashead pourrait effectivement être le sujet d'un article. C'est son premier film, réalisé avec presque rien, et dont le sens est bien plus complexe que Mulholland, et je crois bien Solène, qu'il n'y a qu'à toi que je l'ai fait voir!
*flattée*
Wahouuu! Ya que moi qui ait eu le privilège de voir les premières cinq minutes de ce film??? quel honneur... les mots viennent à me manquer chère ariane :p
Soit dit en passant, je préfère largement un article sur mulhollant drive que sur eraserhead...
Mulholland drive, ou comment faire un film qui trouve sa véritable vocation en dvd : pour le voir et le revoir sans jamais voir le même film
Comme au fil d'une enquête, on comprend certaines chose au fur et à mesure du nombre de fois qu'on le regarde, et la compréhension vient en ordre : on comprend une chose en visonnant une première fois le film, qui nous en fait comprendre une autre à la fois suivante et ainsi de suite. Mais cet ordre, si on ne nous "vend" pa la mèche, est censé être le même cheminement.
Même en discutant du film avec des personnes qui l'ont vu, il est difficile de retrouver ces choses comprises. La solution : en discuter devant le film (ou comment on m'a volé le mien et que j'aimerais bien le revoir XD Va falloir que je me le rachète celui-ci ! Il est inispensable dans toute dvdthèque qui se respecte !)
pffffff lynch c'est nul !
Dsl j'etais obliger je ne v pas en discuter autant que vs, pour moi mullholand dr est un film dont on ne peut discuter tellement les avis diverge (et la comprehension aussi), ca serai bcp trop long.
Ah... mon David !
Enfin il reste quand même que pour le commun des mortels ce film est incompréhensible... mais alors à quoi sert-il ? (troll inside)
Je parlais de Mullholland Drive... je ne parle même pas de Inland Empire que j'affirme lui ne servir à rien !
On se détent, on se regarde le pubis
Heureusement que ce ne sont que des troll... Sinon ça serait la fessée.
Perso j'ai virament flashé sur Blue Velvet et Sailor and Lula. Une vraie claque à leur sortie ces deux films.
J'adore Lynch, notamment Blue Velvet et Sailor et Lula, sans oublia la série Twin Peaks qui vient, enfin, de sortir en DvD.
Par contre, je n'ai pas trop capté Muholland Drive !
Blue Velvet et Sailor et Lula sont eux aussi géniaux, et ont pas mal de points communs, un peu comme entre Lost Highway et Mulholland Drive. Pour ce dernier, je conseille à tous ceux qui l'ont vu d'essayer de voir une ou deux interviews de Lynch, ou d'essayer de se procurer un petit documentaire : retour à mulholland drive. Il faut déjà avoir vu le film, sinon c'est dommage, mais le documentaire donne en tout cas une bonne explication du film. Mais attention... J'ai envie de dire que ce n'est pas parole d'évangile: l'interprétation doit rester libre, et multiple.
Juste pour rire...
http://fr.youtube.com/watch?v=F4wh_...
Il y en a d'autres où il est moins catégorique
Et le rôle du poulpe dans l'oeuvre de Lynch ?
Je suis ravi que quelqu'un d'autre que moi ait vu dans ce film l'omniprésence des références au Mépris de Jean-Luc Godard.
Il y a le thème musical d'abord, très proche de celui de Georges Delerue, et le fameux "silencio" évidemment. Dans ces deux films, cette même histoire d'un homme à qui l'on vole son film, la personnalité très particulière de deux producteurs tout à fait hollywoodiens, et le portrait de femmes ô combien charnelles et érotiques. Et si l'on veut aller plus loin, pourquoi Lynch prénommerait-il sa vedette Camilla sinon pour rendre hommage à la sublime Camille interprétée par Brigitte Bardot...
Bref deux films fous, beaux, ennivrants par deux réalisateurs de génie.
Sinon j'espère que certains d'entre vous ont eu la chance de faire les "nuits Lynch" que proposait le Champo l'année dernière... Epique, mais mythique...
Luc, ton commentaire me fait très plaisir! En effet, je n'ai jamais trouvé une ligne qui parlait du lien entre mulholland drive et le mépris, alors que certains liens me semblent sauter aux yeux! Camille et Camilla sont un autre indice de ce lien et celui-là je ne l'avais pas vu, merci donc, de me donner encore quelques autres arguments! c'est vrai que c'est assez difficile de tisser des liens entre les films, on ne peut jamais être trop sûr et parfois le raisonnement peut sembler trop léger ou trop tiré par les cheveux, mais je pense qu'à nous deux on pourrait réussir à se faire entendre! ou comprendre tout du moins
Il est certain je ne serais pas parti de cette similitude entre les deux prénoms pour bâtir un raisonnement fondé, cela aurait effectivement été un peu tiré par les cheveux... Non la première fois que cela m'est venu à l'esprit, je finissais de voir pour la n ième fois Mulholland Drive, et c'est le thème musical final qui m'a fortement fait penser à une autre musique que je savais connaître mais que je n'arrivais pas à identifier...
C'est seulement quelques jours plus tard que je me suis rendu compte qu'il s'agissait du thème de Camille de Georges Delerue dans Le Mépris; je l'ai donc réécouté et lorsque j'ai entendu l'étrange "silencio", cela a tout de suite conforté l'avis que j'étais en train de me faire sur Mulholland Drive. Je me suis mis dès lors à chercher des points communs à ces deux films, et tout a semblé flagrant...
Evidemment le mieux serait de demander à l'intéressé, afin de savoir si ces rapprochements sont illusoires ou s'ils correspondent à une véritable volonté de sa part...
Tout est là !
Je suis bien d'accord avec toi Luc...
Il y a plus qu'a
Ariane et Luc, vous écrivez tous deux que votre raisonnement est "tiré par les cheveux" lorsque vous repérez les citations faites par Lynch du "Mépris" de Godard (danse, Camilla/Camille, film dans le film, silencio...)
J'aurais moi aussi un indice vraiment "tiré par les cheveux"
d'une certaine proximité entre ces deux oeuvres.
Dans "Le Mépris" la blonde Camille/Brigitte Bardot se coiffe d'une perruque brune coupe garçonne et se transforme ainsi (en Louise Brooks du cinéma muet de Pabst ?)
Dans" Mulholland Drive", la brune Rita/Camilla se coiffe d'une perruque blonde coupe garçonne et se transforme ainsi (en une autre Betty, mais peut-être aussi en un négatif de Camille/Bardot du "mépris" ?)
Qu'en pensez-vous?
J'en pense du bien ! ça me semble être un autre indice visant à démontrer que David Lynch a vu Le Mépris et que voir ce film peut permettre de mieux comprendre Mulholland Drive.
Tu as raison de dire que dans Le Mépris, il y a surement un hommage à cette actrice du cinéma muet, et que dans Mulholland Drive, la continuité permet de rendre hommage à Brigitte Bardot, actrice des années 1960.
A la lumière de tous les indices que l'on met en commun j'en arrive à la même conclusion que toi : Lynch a bien vu (et sûrement revu) "Le mépris".
Le problème qui se posait à moi était de savoir si les citations faites étaient conscientes ou inconscientes. Mais les indices sont si abondants que cela m'incite à penser que c'est consciemment que David Lynch a évoqué l'oeuvre de Godard.
Je pense que ça lui permet d'inscrire son propre film dans une "lignée" (culturelle ? esthétique?)
En revanche il me semble que l'on peut tout à fait tomber sous l'emprise de "Mulholland drive" sans établir aucun lien avec "Le mépris".
C'est mon cas.
J'ai vu "Mulholland" à sa sortie en 2001 et j'y ai trouvé dès alors matière inépuisable à interprétations.
Et puis hier, j'ai revu à la télé "Le mépris" que je n'avais pas vu depuis des années. Et j'y ai tout de suite perçu les évocations (en particulier la danse).
Il se fait tard. A plus
On peut tout à fait tomber sous l'emprise de Mulholland Drive sans avoir vu Le Mépris, ça a été comme ça aussi pour moi au début, car en 2001 je n'avais pas commencé à étudier le cinéma; j'étais encore au lyçée!
J'avais vu ce film la première fois sans comprendre grand chose et pourtant avec une attention immense; j'étais captivée. Ensuite, je l'ai revu, pour tenter de comprendre. Puis, assez récemment finalement, en revoyant le Mépris, j'ai vu les ressemblances.
Cela revient à dire qu'il y a tellement de manière de voir un film ! se laisser bercer par les images, essayer de résoudre l'énigme, trouver quelles références se cachent dans le film, etc.
Je pense aussi que c'est consciemment que Lynch évoque l'oeuvre de Godard: finir le film sur Silencio, me semble le confirmer. Le dernier mot est tellement important que le réalisateur y a fait attention, très attention.
j'ai beaucoup aimé cette petite discussion
J'ai moi aussi bien aimé cet échange.
Tu étudies le cinéma ?! Quelle chance !
A bientôt pour de nouvelles interprétations, indices, références, etc.
SACRAMENTO, Calif. -- Kobe Bryant will sit out the Los Angeles Lakers' regular-season finale on Thursday against the Sacramento Kings and concede the chance to catch Oklahoma City's Kevin Durant for the NBA scoring title.
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