Néanmoins, la chute présage un brillant avenir : Johanna, un sourire carnassier aux lèvres, sort du sol la raison de sa perte d’équilibre ; un lapin, aux deux oreilles duvetées, tout à fait magnifique.
- John ! John !
Et Johanna court, le lapin dans les bras, criant à tue-tête : « J’ai notre mission, je l’ai ! »
Son enthousiasme est tel qu’en pénétrant dans la petite cahute, Johanna voit son père comme il a toujours été : beau, jamais déformé, quand, à quelques pas de là, Siméon et son fils tentent de ramener à la vie le pauvre Peter évanoui. « Je leur avais dit qu’ils pouvaient ne pas le reconnaître », s’acharne à répéter Siméon entre deux bouches à bouches.
De son coté, Johanna n’a de cesse de lire la quête à John qui, la bouche révulsée et les yeux si gonflés qu’on dirait un crapaud, acquiesce dans un sourire que les déformations rendent tout à fait monstrueux.
- Mon beau papa, répète Johanna, toi et moi, nous allons retrouver le temps. C’est écrit sur ce lapin, vois-tu, et si Capsoul était dans les environs, nous partirions tout de suite. Peter est dans les parages et il serait bien embêtant qu’il vienne à toi, nous perdrions du temps, quant à ce Siméon, il parle beaucoup trop, tu as dû bien t’ennuyer à n’en pouvoir placer une. Oh, et puis tiens, dit Johanna, après avoir remarqué l’absence de réaction de John Bonhomme : voilà ton cadeau, c’est ta quête.
Le visage de l’aventurier s’illumine, ses traits s’apaisent, les joues tuméfiées dégonflent : John est sauvé, par ce cadeau si pur, ce don si gratuit que vient de lui faire sa fille.
- Merci ma Johanna, s’écrie John en la prenant dans ses bras, je crois que je sors d’un bien long sommeil, pire encore, d’un bien long cauchemar, comment ais-je pu vivre sans toi ?
Et Johanna, à moiti étouffée par ce père qui vient de retrouver toute sa mémoire, se dit qu’offrir un cadeau, c’est une bonne solution pour réparer les situations et les aventuriers perdus. « John est bien heureux de m’avoir : je lui rends sa beauté, je lui rends la mémoire », pense Johanna en souriant largement, parce qu’elle a vu une glace sur le mur de la petite cahute, et que ce grand sourire la rend merveilleusement attirante. « Une vraie sirène », pense la jeune fille.
- Johanna ! exulte John, viens vite, partons, nous n’avons guère de temps pour retrouver le temps, comme l’indique ce lapin. Allons chercher Capsoul, et disparaissons vite, avant qu’un quelconque embêtement nous retarde !
« Ah, pense Johanna rêveuse, c’est la belle vie qui recommence ! »
Mais déjà, John tient sa main douce et soyeuse, et l’entraine à sa suite, si vite que Johanna peine à poser les pieds l’un devant l’autre.
« Ah, pense John Bonhomme tout à son action, j’espère que Johanna est devenue un homme ! J’aurai bien besoin d’elle pour m’aider. »