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Etre voisin de la mort. Ou plutôt, des morts. Vivre à coté d’un cimetière, avec vue sur le début d’un autre monde… Regarder par la fenêtre, et distinguer des tombes. Comment ne pas être indifférent à ce voisinage atypique ? Le voisin, le voisinage, c’est la proximité. La mort, les tombes, c’est le lointain, l’inconnu : qu’y a-t-il de plus éloigné de la vie que la mort ? Comment est-on voisin au quatrième étage d’un défunt à six pieds sous terre ? Quels rapports existent entre nous, voisins éphémères, et ces voisins, en bas, qui ne déménageront plus ? Y a-t-il, aussi, entre voisins de cimetière d’un même immeuble, des liens plus forts qu’ailleurs ? Sont-ils plus heureux ? Ont-il finalement apprivoisé la mort mieux que personne, jusqu’à ne plus la craindre ? Ou au contraire, cette proximité les attriste-t-elle, les rend-elle plus sensibles à la peur de mourir ? Y en a-t-il que ce voisinage laisse indifférent ? Toutes ces questions s’emparent de moi, d’autant que je ne m’imaginerais pour rien au monde habiter avec vue sur la mort. Ce lieu étrange me semble être à la fois trop réel et irréel, et j’ai, comme beaucoup, quelque chose à régler avec cette peur, cette grande inconnue, que je sens quelquefois rôder, immatérielle. Cette sensation s’accentue-t-elle en vivant proche d’un cimetière ? Parler avec les voisins de la mort, voilà comment je compte apprendre à la connaître, et à dégager, je l’espère, des indices et une réflexion qui m’aideront à dépasser ma première impression, à comprendre comment et pour quelles raisons on habite avec vue sur des tombes. Faire une enquête sur le voisinage des cimetières, cela m’est venu en marchant. Il y en a un, à une centaine de mètres de chez moi. Pour la première fois, je remarque d’ailleurs que j’ai vue sur quelques tombes si je me place à un endroit précis de notre allée. Mais je les sens lointaines, étrangères. La distance est encore trop grande. Quelles impressions, par contre, peuvent avoir les personnes qui les voient tous les jours ? Il y a une maison que le cimetière encercle sur trois côtés1. Dans le jardin, une balançoire. On est dimanche, et des rires s’évadent des fenêtres ouvertes. Qui vit ici ? Le gardien ? Quelqu’un de totalement étranger au cimetière ? Mystère. Je n’en sais rien. Mon enquête est née là, en regardant cette jolie maison au voisinage si calme.