Exit l’atmosphère féerique et rêveuse des précédents spectacles. Cette nouvelle mise en scène de Bartabas mise sur un tout autre style : le cirque humoristique, parodique, et spectaculaire.
Seuls le centre de la scène, avec une douche géante aux reflets bleus-lumineux, un numéro de galop accompli par une femme, habillée d’une longue traine volante grâce à des ballons, et une scène de liberté dans la semi-obscurité, où les chevaux prennent leur douche à leur convenance et se roulent s’ils le désirent, rappellent le style des spectacles précédents.

battuta féérie

Le reste, est résolument farcesque, si bien qu’il fait penser autant à Kusturica et sa fanfare, qu’à l’univers coloré de l’italien Fellini. Le rire et le second degré ont remplacé le rêve et le silence.

Alors le spectateur attentif peut aussi bien remarquer une certaine misogynie, qu’une légère présence de la vulgarité : un ours qui s’empare d’une jeune femme sur une carriole lancée au triple galop ne fait pas particulièrement rêver le public féminin… Un cascadeur qui se retrouve en justaucorps version tigrée fait rire, bien sûr, mais contraste cruellement avec le port altier du cheval, sa naturelle prestance.

Hormis cette fausse note, Battuta est bien pensé : des deux cotés du cirque, une troupe de musiciens : des violonistes et des cuivres, qui se disputent le droit d’être entendu, tout comme sur scène, les cascadeurs changent de chevaux, haranguent la foule en laissant exploser leur virilité.

Les chevaux défilent sur la piste, dressés à la perfection. Les cascadeurs accomplissent au galop des sauts périlleux, passent sous le cheval pour remonter par l’autre côté, font le poirier, courent à coté, conduisent deux chevaux en restant debout, un pied sur le dos de l’un, un pied sur le dos de l’autre. Des chapeaux sont jetés à terre, récupérés en plein galop comme on récupérerait un ballon de horse-ball. Le spectateur suit la troupe de galipettes en triple galop, de sauts d’obstacles en sauts périlleux.

Ce qui ressort encore une fois de Battuta, c’est sans doute le parfait dressage des chevaux, cette absence de l’inattendu qui caractérise pourtant un animal. Une foulée trop longue, un léger écart : tout peut être prétexte à chute. La confiance est totale, magique.

Le violon accompagne idéalement ces voltiges successives. Quant aux cuivres, ils sont sans doute un peu trop utilisés, et trop bruyants, appuyant l’atmosphère de farce, les harangues lancées au public, incompréhensibles (je n’ai même pas compris de quelle langue il s’agit).

Avec les chevaux, on peut faire du beau, du magique, du féerique. Bartabas le fait idéalement avec Zingaro.
On peut faire du drôle aussi, et du pastiche, et c’est plaisant. Bartabas le sait aussi.
Mais la beauté du cheval, sa noblesse, appellent davantage une mise en scène rêveuse et contemplative, que, dans Battuta, le spectateur trouvera tronquée et trop souvent maquillée.