Seul, Malik est une proie facile pour le groupe qui décide d’en faire son homme de main : s’il veut vivre, et être protégé, il doit tuer le prisonnier qui pourrait compromettre la puissance de César Luciani.
Dès la scène d’ouverture, Un prophète s’annonce comme une lutte entre la lumière et l’ombre : la noirceur de l’écran, peu à peu, laisse filtrer les lumières, ouvrant un monde dans lequel, le spectateur le sait déjà, l’ombre a priorité.
Ainsi, un arabe chez les Corses laisse place à quelques scènes comiques, comme lorsque chacun des membres du gang passe de profil, en donnant son nom, avec des consonances corses qui s’enchainent, jusqu’au dernier nom : Malik El Djebena.
Mais la violence prédomine, Malik restant l’exécutant de César, le chef corse au tempérament froid et enflammé, magnifiquement interprété par Niels Arestrup. Les cheveux blancs, le visage calme, César apparaît comme un possible père pour Malik. Le scénario choisit un tout autre rôle, livrant un personnage antipathique et pourtant attachant, voire même émouvant. Malik est traité de la même façon : tantôt humain, tantôt bestial, il est pensif et ébloui devant le ciel, la mer, pour l’instant d’après tuer sans réfléchir.
On pourrait résumer Un prophète ainsi : comment un jeune homme emprisonné pour violence, devient au sein de l’univers carcéral un meurtrier et un gangster, quelquefois hanté par ses actes et pourtant indifférent à ces hantises. Malik rêve, mais de manière confuse : le sang se mélange à la noirceur de l’écran, les plans tremblent, le meurtre ne peut être répété dans son réalisme criard.
Et en même temps, le mort revient. C’est un revenant à la présence tranquille, qui vient tenir compagnie à son meurtrier sans jamais le haïr. Et lorsqu’il n’est pas là pour observer, les spectateurs prennent le relais. Car comme cette présence occulte, nous regardons Malik, assez fort quelquefois pour qu’il sente notre présence. S’il dort, la caméra braquée sur lui, le voilà qui se réveille en sursaut, comme si nous étions, nous aussi, des fantômes.
L’univers carcéral est dépeint avec épaisseur et réalisme, sans cesser jamais de renvoyer à l’extérieur : la douche reste le lieu de la nudité, un lieu de fragilité et de recherche de purification, et la cour pénitentiaire n’est pas sans rappeler toute cour de récréation, dans laquelle les groupes se font et se défont, les amitiés se nouent et se dénouent.
Difficile pour le spectateur de s’attacher tout à fait à Malik mais on en a que faire puisque l’attachement à l’esthétique est entier. Avec le film Un prophète, Jacques Audiard nous révèle finalement une autre religion, derrière l’Islam, le Corse ou encore la violence, c’est le cinéma, qui nous parle.
Note, Un prophète de Jacques Audiard : 8/10
Un prophète est un film malin, qui contourne avec aisance le potentiel ennui du spectateur confronté à un long film qui ne quitte pas l’univers carcéral. En donnant des permissions à Malik, Jacques Audiard donne à son film une binarité rafraichissante : laisser voir la prison au monde et laisser la prison voir le monde.
Bande annonce d' Un prophète de Jacques Audiard
14
sept.
Un prophète et des religions
Par Ariane le lundi, septembre 14 2009, 16:44 - Films à l'affiche
Pour qu’il y ait un prophète, il faut une religion. Un prophète en a deux : l’Islam et le Corse ! Malik (incarné tout en nuances par Tahar Rahim) en a pris pour 6 ans après avoir agressé des policiers : il est transféré à la Centrale pour purger sa peine, une prison où un groupe de prisonniers corses ont établi leur loi en parallèle de celle du personnel pénitencier.
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9/10
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