Le Cid, monument de la langue française est mis en scène par Thomas le Douarec jusqu’au 19 juillet, au théâtre Comédia. Le théâtre organise pour les dernières représentations des tarifs attractifs (une place achetée, une place offerte) pour un spectacle qui dépoussière la pièce : Le Cid est ponctué d’intermèdes flamenco qui permettent d’exprimer la douleur de Rodrigue et Chimène par la danse. Chacun des deux acteurs a son double flamenco : son double noir, son double dansant au rythme des guitares et des chants. La pièce prend une couleur musicale, le cid devient presque tzigane.

A cette tonalité proche du pathos, s’ajoute une tonalité résolument comique : Thomas le Douarec a fait du roi sage et sérieux, un roi aérien et homosexuel !
Le coup de cœur de la représentation !
Si la plupart des acteurs sont habillés avec un mauvais goût avéré (pantalons de cuirs, torses nus, bustier en cuir pour le père de Chimène), le roi offre un contraste à cette noirceur vulgaire : il est doré, il est rouge, et surtout, il descend du ciel comme Dieu, il est aérien, de par son trône en forme de trapèze et la légèreté qu’il donne à ses répliques.
Voici un roi décomplexé, qui n’hésite pas à soupirer face à ces jeunes gens qui crient résolument vengeance, butés comme rarement. Sa préférence va à Rodrigue : les manières dansantes et gaies du roi préfèrent un beau soldat à une jolie jeune femme qui pleure et crie vengeance, c’est à dire la mort de Rodrigue, bel éphèbe que le roi réussira d’ailleurs par un habile stratagème à embrasser sur la bouche ! Florent Guyot qui incarne ce roi de Castille, apporte légèreté, humour et second degré à une pièce qui perd dès lors en lourdeur et en tragédie.

Pourtant, la représentation reste un peu longue, Rodrigue et Chimène partageant avant l’entracte des moments seuls sur scène qui s’étirent et lassent un peu, le jeu des deux rôles principaux n’étant pas toujours entrainant.
Chimène reste le personnage lourd de la pièce, dont les demandes incessantes et toujours identiques ennuient. La mise en scène aurait sans doute gagné à raccourcir quelques scènes, quelques répliques. Quant à la mort de son père, elle est acceptée assez joyeusement : c’en est fini d’entendre l’acteur hurler pour montrer sa colère…

Si le jeu des acteurs, hormis Don Diègue et le roi, n’est pas toujours aussi fameux qu’on l’aurait voulu, cette représentation du Cid au théâtre Comedia vaut pour sa mise en scène soignée qui dépoussière véritablement la pièce de Corneille. L’utilisation de la lumière est magnifique, avec une amplification sur les rouges pour suggérer le meurtre, ou encore des jeux de néons avec un roi qui aime se mettre en scène.
Et pour remettre la foule dans le bain, le deuxième entracte reprend avec une intelligente participation du public : il est scruté, pour voir si quelqu’un osera affronter Rodrigue, il chante et applaudit avec les acteurs qui encensent le retour du Cid avec des « vivat ».

Un dernier conseil : ne pas se fier à l’affiche… Qui potentiellement découragerait la plupart des gens, pas franchement intéressés par une représentation du Cid avec des acteurs nus. Il n’en est rien, et l’affiche aurait gagné à montrer plutôt le roi, par exemple.
Vous savez peut-être maintenant quoi faire à Paris cet été dans l'option théâtre.