Les documentaires qui ont gagné le prix Albert Londres se rapprochent de cette maxime. Avec très souvent un rapport à la guerre, ils dévoilent une réalité qu'on pourrait facilement décider d'oublier.
"La malédiction de naître fille" a été récompensé en 2006. Le documentaire se passe en Inde et raconte comment dans ce pays, avoir une fille est synonyme de malheur. On le sait pour la Chine : le culte du garçon et la politique de l'enfant unique ont déstabilisé le pourcentage de filles et de garçons chinois.
C'est le cas aussi en Inde. Le fils est considéré comme le sauveur de ses parents : il est l'unique garant de leur réincarnation et permet aux biens matériels de rester dans la famille. Au contraire, la fille coûte de l'argent : elle ne travaille pas et pour la marier les parents vont devoir donner une dot à l'époux.
Dans les villages, la communauté a un poids démesuré. Elle peut convaincre une mère de tuer sa fille à peine née. On raconte que si la mère tue la fille, alors le prochain bébé sera un garçon.

Le reportage donne la chair de poule, surtout quand on entend ce que racontent les hommes : "Une femme ne sert à rien si elle ne peut donner naissance à des garçons", "Ce n'est pas une vraie femme.". Il est alors normal pour un homme de quitter la femme qui ne lui a pas donné de garçon pour en épouser une autre. A l'époque du reportage, cette préférence du garçon crée un manque de 40 millions de femmes en Inde. Dans les autres pays asiatiques (Pakistan, Bangladesh), la situation est identique.

Que ce soit à la ville ou à la campagne, qu'elle soit pauvre ou riche, la femme asiatique ne veut pas de filles : le poids de la belle famille et de la communauté sont trop lourds, et même dans les familles éduquées, la mère préfère ne pas avoir de fille pour ne pas qu'elle subisse le même sort qu'elle.
Le documentaire se rend aussi en Chine pour montrer une solution radicale : quand on a des filles en Chine désormais, le gouvernement propose des cadeaux : des maisons de 80 mètres carrés par exemple quand on a gardé ses filles.

Le point de vue du documentaire est évidemment affiché : le journaliste milite pour la cause des femmes et même si le reportage multiplie les effets chocs, on sent aussi une réalité insidieuse. Dans certaines phrases, des regards.
C'est, de tous, le documentaire qui m'a le plus marquée.

Les documentaires sur Prix Albert Londres, c'est aussi l'enquête sur la Corse et le FLNC, l'histoire de Barbie en Bolivie ou encore Les Enfants de la honte.
On peut regretter la thématique centrale de ces documentaires : la guerre, qui est omniprésente. Mais une chose est sûre : visionner ces reportages quelques années après permet de capter l'immense évolution du genre du reportage en 20 ans, avec un sensationnalisme qui a encore augmenté.