Sans oublier l’un des thèmes essentiels de Looking for Mister Castang : le cinéma ! Voilà une autre originalité de ce spectacle : amener le cinéma jusque sur scène, le prendre à bras le corps, pour une fois… Luigi (Edouard Baer), après la dernière de sa pièce de théâtre, profite une toute dernière fois de l’ambiance particulièrement agréable des coulisses, lorsque surgit « le directeur spirituel » de Mister Castang, célèbre producteur hollywoodien. Luigi a été repéré : Mister Castang le veut dans son bureau, pour une audition où Luigi devra montrer toute son autorité...

L’histoire adopte avec brio les structures de la mise en abyme pour proposer au spectateur, en même temps qu’une histoire magnifiquement rocambolesque, une réflexion sur la création et l’écriture. L’une des scènes avec le sage africain comme conteur de l’histoire en est sans doute l’exemple le plus réussi : Edouard Baer, après avoir prié celui-ci d’intercéder en sa faveur, et donc de lui permettre de rencontrer plus vite Mister Castang, suit la narration du sage, mais en la précédant. Il se retrouve ainsi avec son billet d’avion en poche, quand, dans le récit du vieux sage, il n’en est encore qu’à trouver la boutique du vendeur !

Dans cet univers éclectique, où des personnages hauts en couleur se suivent et ne se ressemblent pas, le spectateur pourra retenir le chanteur de rock à l’accoutrement très rose, qui se jette dans le public tout en articulant des paroles qui pourraient rappeler la verve surréaliste des Inconnus dans Et Vice et Versa.
On apprécie aussi l’évangéliste américain et ses discours sur l’optimisme, ou encore la prostituée qui se fait passer pour une paysanne. Quels préjugés ont les français, conclue Luigi pendant cette rencontre : pourquoi, après tout, une paysanne ne pourrait pas porter une robe à paillettes et travailler dans la rue pendant la nuit ?

On rit. Sans oublier le saugrenu, l’étrange, la scène où Edouard Baer, dans un nuage de fumée, se retrouve prisonnier d’un couple aux accents lynchiens (fumée, dialogues mystérieux et surréalistes, expressions effrayantes des visages) en étant l’un des exemples le plus abouti. « Je veux mon cadeau » répète l’homme à Edouard Baer, tandis que la femme, courbée, la démarche on ne peut plus bizarre, agite ses clés en proposant un whisky de la vodka ou du sexe, à un Edouard Baer déphasé.
Pour le plaisir, ajoutons le numéro du petit chien, que son agent entraine avec un grand sérieux, dans l’optique de voir son poulain canin voler la vedette à Luigi qui a perdu la tête lors d’un accident !

Dans Astérix et Cléopâtre, Edouard Baer était déjà irrésistible dans sa tirade philosophico-sociale : l’acteur en propose quelques clins d’œil, tout en rappelant, à posteriori, que cette tirade cristallisait déjà son univers : la parfaite maitrise des mots, le surréalisme comme partie essentielle d’un humour frais et décalé.

Attention cependant, le traitement des lumières, quoique très beau, peut paraître exagéré. Que les épileptiques s’abstiennent, sinon ils risquent une crise lorsque le stroboscope s’éternise. Voilà sans doute la seule fausse note de ce spectacle absolument original, qui plaira aux amoureux du bizarre.

Looking for M. Castang n’aura pas de sitôt de concurrents : Edouard Baer transcende le théâtre dans l’entremêlement des tons et des genres, avec ce style du dandy décalé au verbe parfaitement maitrisé, décoré d’une voix aux intonations savoureuses. Bravo.