À ce stade de l'histoire déjà, les éléments réalistes se mélangent à ceux du conte car si l'histoire est bien réelle - la difficulté de survivre pour les fermiers -, les décors semblent tout droit sortis d'un livre d'images et les animaux, en plus d'avoir des rôles importants sont dotés d'un certain bon sens ( l'oie qui poursuit ces messieurs, un peu comme une extension de la maitresse de maison et bien sûr le cheval Joey qui pour Spielberg a improvisé à plusieurs reprises lors du tournage).
On n’est pas loin non plus des films de John Ford, avec un travail du rapport entre intérieur et extérieur très proche du western.
Un fort orage qui fait perdre la récolte et l'annonce de la guerre décident les parents à vendre Joey qui va partir pour la France avec l'armée anglaise. Le personnage principal c'est en effet ce cheval dont nous allons suivre le voyage et les rencontres.
L'angle choisi - la guerre de 1914-1918 vue par un cheval - efface très vite une approche binaire (les deux camps qui s'affrontent) pour plutôt proposer des rencontres entre différents protagonistes : Joey et Tophorn, Joey et deux jeunes allemands, Joey et un grand père avec sa petite fille, etc. Le lien entre toutes ces rencontres, c’est bien sûr Joey et le fanion qu’il a sur son harnachement. Ce fanion est un trait d’union entre les différentes étapes de l’histoire, une métaphore de la continuité.
Steven Spielberg n'oublie pas pour autant le nerf de la guerre avec plusieurs scènes de bataille à couper le souffle et la mise en scène d'un no man's land terrifiant. La mise en scène est ainsi traversée par deux courants différents : l'esprit de reconstitution et la persévérance du conte à toute épreuve.
Dans son casting, Spielberg mélange les pointures (Niels Arestrup, Emily Watson) à des acteurs dont c'est le premier film (Jeremy Irvine par exemple, qui apporte au film fraîcheur et naïveté dans le rôle d'Albert). Les chevaux font aussi un remarquable travail d'acteur dans les rôles de Joey et Tophorn. Magnifiques, excessivement bien dressés, ils ont chacun cette faculté de nous dire des choses sans pour autant (heureusement) parler.
Mon avis sur Cheval de guerre de Steven Spielberg, le 22 février au cinéma : 9/10
Spielberg nous embarque dans une magnifique histoire de courage qui mêle deux genres très différents : le conte et le film de guerre. Le réalisateur américain s'impose comme un maître de l'image mais aussi de l'émotion, une émotion disparue dans Tintin, et de retour dans Cheval de guerre avec une force tragique et métaphorique.
Cheval de guerre est un film à voir avec des yeux d’enfants : du grand Spielberg divertissant et émouvant, à appréhender comme un conte tout autant qu’un film de guerre. C’est la clé pour comprendre et aimer ce film qui peut risquer, autrement, de ne pas être apprécié à sa juste valeur.
Spielberg était en France lundi 9 janvier pour l’avant première du film et une masterclass remarquable à la cinémathèque que vous pouvez encore découvrir sur le site d’Arte et sur le site de la cinémathèque. Vous y découvrirez plein d’anecdotes de Cheval de guerre, et l’avis de Spielberg sur des sujets aussi variés que le final cut, ses habitudes de tournage ,les réalisateurs qui l’inspirent, etc.
Bande annonce de Cheval de guerre de Steven Spielberg, le 22 février au cinéma
Rendez-vous sur AlloBo pour en savoir plus sur la BO de Cheval de guerre.
Commentaires
Magnifique réalisation, un souffle et des scènes sublimes, je conseille ce film.
Oui je suis bien d'accord ! Par contre il ne faut vraiment pas y aller pour voir un film de guerre comme les autres... C'est un conte
Bravo pour cette belle critique ! L'une des seules bonnes que j'ai pu lire et qui montre que la personne qui l'a écrit a vraiment capté l'essence de ce film.