Cette critique-ci sera un peu spéciale, puisque je compte vous parler d’un livre lu il y a deux ans (Crime et Châtiment) et d’un autre (Les frères Karamazov) lu au début de l’été… Il faudra donc me pardonner sans doute le manque de précision ou encore la possible existence de phrases générales…

Pourquoi avoir couplé ces deux livres ? Ils se ressemblent : imposants, barbouillés par le crime, la culpabilité et l’amour.
Si je dis roman policier, je m’approche, plutôt que je ne m’écarte. Dans Crime et Châtiment, Raskolnikov, un jeune étudiant, tue une vieille usurière pour s’emparer de ses économies. L’inspecteur chargé de l’enquête s’intéresse bientôt au jeune homme et s’ensuit un chassé-croisé entre les deux hommes.
Les frères Karamazov raconte quant à lui le meurtre d'un père, perpétré par l’un de ses trois fils. Un procès clôt le livre, peu après les ultimes révélations sur le meurtre. La scène du crime, cette fois, est très courte, floue. Dans le premier livre, Dostoïevski joue sur le suspense plus second de la date d’arrestation, dans le second, s’y mêlent plusieurs interrogations sur la véritable identité du meurtrier : est-ce le fils que tout accuse ? S’agit-il d’un des deux autres fils ? D’une personne plus extérieure ? En même temps que cette intrigue que l'on pourrait qualifier de policière, se joue une réflexion plus générale sur le lien entre un père et son fils, à travers la famille Karamazov, mais aussi le lien entre Alexis et son starez Zosima (père dans le monastère où vit Aliocha) et entre Ilyusha et son père Snegiryov.

Si dans Crime et Châtiment je n’ai trouvé aucune longueur, il n’en a pas été de même dans Les Frères Karamazov. Il faut s’accrocher pendant les deux cent premières pages, et quelquefois, les discussions philosophico-religieuses sont un peu longues. Le livre s’apprécie au fil de la lecture, au fur et à mesure, tandis que Crime et Châtiment satisfait d’emblée : action et folie ne se font pas attendre.

Dostoïevski donne à ses personnages une épaisseur hors du commun, autant dans les descriptions que dans les dialogues : Alexis, épris de justice et de religion, Ivan, intelligent et tourmenté, Dmitri bagarreur et amoureux, font face à un père qui semble dénué d’ambigüité, simplement voué aux plaisirs de la chair et à la noirceur la plus pure. La mort du patriarche ne choque pas plus le lecteur que la mort de l’usurière ; une façon pour Dostoïevski de nous attacher encore plus étroitement avec ses personnages survivants, si proches du crime que chacun pourrait en être responsable. 900 pages d’un bonheur aérien et difficile à attraper, mais une fois que l’avion s’envole, et que le père s’écroule, il est impossible de ne pas finir ce livre.

Je conseillerais plutôt Crime et Châtiment en premier : magistral pour découvrir le style de Dostoïevski, sa description de la Russie, il est définitivement plus court que Les Frères Karamazov et pas moins flamboyant. Les passages sur la folie, la scène du meurtre, ou encore la naissance à la religion font de ce livre un chef d’œuvre.