Venise… La ville peut-être la plus stéréotypée du monde. On pense canaux, on pense gondole, on pense amour. Thomas Mann déjoue ces préjugés, cet idéal d’une ville belle et sentimentale, en introduisant la thématique de la maladie. Le choléra, tout d’abord, qui va ensuite se retrouver lié à l’étrange passion que nourrit le vieil homme pour cet enfant. Thomas Mann, même s’il reste indifférent et neutre à l’égard de son personnage, insiste bien sur le fait que cet amour ressenti est avant tout une maladie, aussi dangereuse que l’autre.

Aschenbach est un pleutre, un voyeur : l’anti héros par excellence. Il n’agit pas : il regarde, il épie, ou alors, il suit, dans les dédales des rues, pour espérer glaner quelques secondes le visage de cet enfant, Tadzio, un polonais au visage de dieu grec.
La nouvelle ne joue sur aucun suspense : la fin est annoncée dans le titre, et des indices s’égrènent, ça et là. C’est par exemple Aschenbach au salon de coiffure : le coiffeur teint ses cheveux, sa moustache, tente de redonner à sa peau plus d’éclat, mais c’est l’impression de momification qui saute aux yeux du lecteur, un peu comme si, avant l’heure, Aschenbach était préparé pour que chacun lui dise adieu, en emportant de lui le plus beau souvenir possible.

Quelquefois, Thomas Mann empreinte un style homérique de manière tout à fait ironique ; une nouvelle blessure infligée à son vieux personnage, et toujours sans en avoir l’air.

Une nouvelle à conseiller, donc, pour découvrir la littérature germanique (je parlerai peut-être de Goethe, et particulièrement de son livre Les souffrances du jeune Werther dans un prochain billet).
Mais je préfère avertir les futurs lecteurs de La Mort à Venise : le début de la nouvelle est relativement ennuyeux, et sans vraie couleur : l’arrivée à Venise n’a lieu que lors du chapitre 3, et c’est à cet instant que le style décolle, pour devenir presque idéal, suivant le rythme toujours calme, quelquefois oppressant, des plages du lido, ou bien du sirocco.