Il y avait une façon d’y remédier : lire Harry Potter and The Deathly Hallows sur les plages dorées du mois de juillet. L’anglais n’est pas trop difficile : il suffit de s’habituer au vocabulaire (cloak, owl, etc) et aux vrais noms des personnages : Severus Snape pour Rogue par exemple. Mais n’ayez pas peur, Harry Potter reste Harry Potter !

Je vais essayer de parler de ce tome 7 sans en vendre la mèche, ni les mèches d’ailleurs… En refermant le livre, plusieurs constats me sont venus, le premier étant que ce tome là est bien à la fois le plus noir et le plus lumineux. L’écriture m’a donnée l’impression de s’être encore intensifiée par rapport aux précédents (j’avais déjà eu cette impression avec les tomes 5 et 6). En fait, depuis La coupe de feu, le ton s’est fait plus sombre, plus noir, la souffrance évoluant avec les livres et les thèmes évoluant avec l’âge des lecteurs… Beaucoup ont déjà dû en faire la remarque : rencontrer Harry Potter à 11 ans, c’est refermer le dernier tome à 18, dire adieu à l’enfance. Comble de bonheur, un docteur en littérature comparée s’est penché là-dessus (c’est dans ce genre de situations que j’aurais aimé être de trois ou quatre ans plus vieille pour être ce docteur là ou tout du moins l’un des premiers analystes !). Harry Potter ou l’anti Peter Pan, pour en finir avec la magie de l’enfance, d’Isabelle Cani, est sans doute à fortement conseiller.

Mais revenons au tome 7 pour le moment : l’histoire d’Harry Potter n’est pas encore finie ; il n’est pas encore temps de se jeter sur ses multiples analyses. Le tome 7 est traversé par l’errance. Harry ne retourne pas à Poudlard et, accompagné de Ron et d’Hermione, se met en quête des « Horcruxes » de Voldemort. Mais, bien vite, cette quête devient fuite, ce combat se transforme en silence, en cachette. Les lieux du campement sont déserts, Harry tend l’oreille à chaque bruit, comme perpétuellement poursuivi, traqué. Sans Dumbledore pour le guider, son rôle, sa quête, deviennent trop mystérieux, trop incompréhensibles, d’autant que Harry est mené à un questionnement sur ceux qu’il aime, à des scissions, même en amitié.

S’il y avait des thèmes à retenir, il s’agirait sans doute de la différence entre l’apparence et la vérité des êtres, de l’importance de la relation aux morts, et, surtout, de la notion de sacrifice. Harry Potter est un personnage de tragédie, comme l’ont été Œdipe ou Antigone avant lui, et pour la simple raison qu’il est un bouc-émissaire. Je m’explique : la tragédie viendrait du grec « tragos », c'est-à-dire le bouc, sacrifié pour expier les fautes des hommes, et, surtout, envoyé à la place d’un homme. Plus tard, il s’agira ensuite d’envoyer un homme, pour préserver encore la cité des souillures et du mal. Généralement, ces héros sont reconnaissables, physiquement : Œdipe boite, Harry a une cicatrice. Le héros tragique, c’est aussi celui qui n’est pas responsable : il endosse un destin, il prend sur lui une faute, dont il n’est pas la cause et ce schéma est particulièrement valable dans le tome 7. Mais dans les tragédies, la fatalité n’a pas toujours droit de cité : le personnage a le choix d’agir et d’exercer sa liberté et J.K Rowling sait bien donner cette arme à son héros. Alors, le livre va-t-il finir comme un conte, ou comme un cauchemar ? La lumière triomphera-t-elle de l’obscurité ? Qui de Voldemort ou de Harry survivra, puisqu’il faut que l’un disparaisse ? C’est à Poudlard que la question est tranchée, Poudlard où le choixpeau indiquait à chaque élève sa maison, son chemin. Le résultat était une combinaison du destin ET des êtres. Il en est de même aujourd’hui mais les maisons ne s’appellent plus Gryffondor, Serpentard ou Poutsouffle. A la place, il y a la mort, ou la vie.